
L’Association Toxicologie-Chimie de Paris publie un rapport sur « l’utilisation du gaz lacrymogène CS et ses effets toxiques à plus ou moins long terme ». « L’Obs » a interrogé l’un de ses auteurs, le professeur Alexander Samuel.
Après plus d’un an de travail, ses recherches, débutées lors des mobilisations des « gilets jaunes », sont enfin réunies dans un rapport de 126 pages [PDF], publié par l’Association Toxicologie-Chimie de Paris.
Alexander Samuel a écumé les manifestations pour conduire des analyses de sang et d’urine, afin de démontrer la présence de cyanure dans le gaz lacrymogène, et d’en étudier les conséquences sur la santé, comme il le raconte dans la vidéo ci-dessous :
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Si la question de la nocivité des gaz lacrymogènes s’est déjà posée ailleurs dans le monde, l’intérêt de ce rapport réside dans la synthèse des différentes études. D’autant qu’une partie de ces études ne sont pas accessibles « car réservées au domaine militaire », pointe André Picot, président de l’Association Toxicologie-Chimie et coauteur du rapport. (...)
Le rapport, dont « l’Obs » a publié les conclusions en exclusivité, détaille les pathologies qui peuvent en découler, comme des cataractes aux yeux, mais aussi des symptômes tels que des maux de tête, des paralysies, de la gêne respiratoire mais aussi des dommages thyroïdiens, gastro-intestinaux (nausées et vomissements, diarrhées), musculo-squelettiques (rigidité musculaire), hépatiques… (...)
Dangereux même en milieu ouvert ?
La dangerosité des gaz lacrymogènes est sous-estimée, souligne le docteur en biologie, pointant l’utilisation massive par la police de ces gaz, qui restent considérés comme des armes chimiques dans le cadre du droit international, et interdits dans le cadre de guerre entre pays.
Si la dangerosité des gaz lacrymogènes est établie en milieu confiné (en 2014, en Egypte, des grenades lacrymogènes tirées à l’intérieur d’un camion transportant des prisonniers ont provoqué la mort de 37 détenus), la faible concentration en milieu ouvert ne comporterait pas de danger.
« Le problème, c’est si l’on utilise 30 ou 50 grenades en quelques minutes. Dans ce cas, ça peut être dangereux quand même », fait valoir Alexander Samuel.
Il espère que les autorités se saisiront de son travail pour déclassifier des études plus détaillées sur les effets à long terme de l’exposition au lacrymogène, dont les policiers pourraient être les premières victimes. « Il y a sans doute d’autres façons de faire du maintien de l’ordre », veut-il croire.