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Le Monde Diplomatique, août 2009
La décroissance, une idée qui chemine sous la récession
Un courant de pensée influent mais peu organisé
Article mis en ligne le 19 avril 2010
dernière modification le 18 avril 2010

Avec la crise écologique s’impose peu à peu la nécessité de définir le progrès humain autrement que par le productivisme et la confiance aveugle dans l’avancée des sciences et des techniques. En France, les penseurs et militants de la décroissance, qui prônent un mode de vie plus simple et plus riche de sens, voient ainsi croître leur audience, tant auprès des partis de la gauche antilibérale que parmi le grand public. Ils représentent pourtant des sensibilités politiques et philosophiques très diverses.

...La récession est passée par là. Bien sûr, la décroissance « n’a rien à voir avec l’inverse arithmétique de la croissance », comme le souligne M. Cochet (1), le seul homme politique français d’envergure à défendre cette idée. La mise en examen de la croissance apparaît toutefois comme une conséquence logique de la double crise économique et écologique qui secoue la planète. Les penseurs de la décroissance sont subitement écoutés d’une oreille plus attentive. « Je suis beaucoup plus sollicité », se réjouit Serge Latouche, l’un de ses pionniers. « Les salles sont pleines dans nos débats », lui fait écho Paul Ariès, un autre intellectuel de référence de ce courant de pensée...

Le mot même de « décroissance » est de plus en plus repris, bien au-delà des cercles restreints de l’écologie radicale. « Au moment où les adeptes de la décroissance voient leur argumentaire conforté par la réalité, y a-t-il une alternative entre la décroissance subie ou non dite, comme l’est la récession actuelle, et la décroissance conduite (2) ? », s’interrogeait, pendant la campagne européenne, Nicolas Hulot, pourtant régulièrement qualifié d’« écotartuffe » par les objecteurs de croissance...

...L’impact nouveau du thème contraste avec la très grande faiblesse des forces politiques qui s’en réclament...

...Si ce courant est plus marginal aujourd’hui, il dialogue aussi plus facilement avec une gauche qui a perdu ses certitudes. Avec la crise environnementale et la remise en question de la valeur travail, l’idée de marier anticapitalisme et antiproductivisme progresse....

...Paradoxalement, les idées de décroissance ne sont guère plus présentes chez les Verts...

En décembre 2008, la motion de congrès des Verts a, pour la première fois, fait référence à la « décroissance », mais en la limitant à la réduction de l’« empreinte écologique ». Le programme des listes Europe Ecologie a repris la même formule, en y ajoutant la diminution de la consommation quantitative de viande. Quant au Parti socialiste (PS), l’absence de curiosité intellectuelle de ses dirigeants semble le protéger de tout contact avec ces idées....

...Avant tout, la mouvance est aux prises avec de profondes divergences philosophiques. Cheynet campe sur des positions républicaines et universalistes, tandis que l’africaniste Latouche est un « relativiste culturel » déclaré. « Ma perspective est clairement républicaine, démocratique et humaniste », déclare le patron de La Décroissance, qui s’est engagé chez les centristes dans sa jeunesse. « L’Etat-nation est à la fois dépassé et pas souhaitable », réplique Latouche, qui « n’aime pas le mot “universel” ». Ariès se situe du côté des positions républicaines, tout en travaillant avec les catholiques de gauche de la revue Golias. Pierre Rabhi, figure de la décroissance qui a tenté d’être candidat à l’élection présidentielle de 2002, représente, quant à lui, un courant spiritualiste....

...Politiquement, comme le reconnaît Cheynet, cela va « de l’extrême droite à l’extrême gauche ». Le penseur de la Nouvelle Droite, Alain de Benoist, a ainsi publié en 2007 un ouvrage intitulé Demain, la décroissance ! Penser l’écologie jusqu’au bout (e/dite, Paris)

...Le rapport à la démocratie divise également....

...Certains objecteurs de croissance évitent ces questions délicates en se réfugiant dans des démarches individuelles de sobriété volontaire. D’autres croient aux vertus exemplaires de l’initiative locale, comme celle des « villes en transition », qui regroupe environ cent trente communes — majoritairement au Royaume-Uni — engagées dans la décroissance énergétique et la relocalisation.

Manque toujours à la décroissance une définition politique positive aussi mobilisatrice que le fut le socialisme en son temps. ...

...« Quelle utopie mobilisatrice pour répondre à la question : comment vivre mieux avec moins ? »...