
Concrètement, c’est quoi le viol ? Un acte sexuel contraint, c’est-à-dire non consenti. Mais la notion même de consentement [1] repose sur l’idée que les deux partenaires sont égaux. Or, pour pouvoir dire non il faut déjà être sujet de sa vie sexuelle, et pas l’objet de celle d’un autre.
Combien de femmes ne se sont pas une fois dans leur vie laissé faire parce qu’elles avaient la trouille de dire non et de s’exposer au regard – ou à la sanction – de l’autre ? En fait, rien n’autorise à penser qu’une frontière claire puisse s’établir entre un viol et une relation sexuelle « librement consentie » [2]. Pourtant la différence est essentielle et l’amalgame dangereux : toute relation sexuelle entre un homme et une femme n’est pas un viol. Mais on a beau chercher un critère qui permette de délimiter cette frontière, on n’y arrive pas : la contrainte, la menace ou la surprise – les termes légaux – se ressentent mais ne se mesurent pas. Cela dépend dans chaque cas d’une multitude d’éléments (...)
Aussi destructeur que banal, un viol est est la négation de la vie qui habite le corps d’une femme, sa réduction à un objet bon pour la poubelle une fois consommé. Les faits divers scabreux sont la partie visible de l’iceberg et c’est rarement par le sommet que le « bât » blesse. La mise en scène de ces « scandales », véritables défouloirs, permet aux passions sordides de se déverser sans complexe : plus on se déchaîne avec ferveur sur le dangereux pervers, plus on intériorise le fait que le viol existe ailleurs. On veut bien voir des violeurs dans la misère sociale et dans les caves des cités mais jamais chez nous, nos potes ou nos familles. En attendant, la domination masculine se perpétue. Les femmes sont toutes des proies potentielles, coupables d’attiser le désir dès qu’elles manifestent un peu de liberté. (...)