
J’ai rencontré ces marcheurs mardi 22 octobre au matin et au premier étage du bâtiment de la radiotélévision publique ERT. Autogérée comme tout le monde sait et avec succès depuis juin dernier. Manolis Stathopoulos de Thessalonique et les siens, sont ces gardiens des écoles... ainsi “supprimés” d’une seule rature du mémorandum, il y a quelques semaines. Manolis et ses camarades étaient partis à pied de Thessalonique pour rejoindre Athènes. Arrivés lundi 21 octobre au soir, après 24 jours de marche, ils ont été accueillis en héros par le personnel... combattant de l’ERT, où ils ont pu passé la nuit.
Mardi matin, c’est alors à l’heure du café qu’ils s’apprêtaient à reprendre le chemin, leur dernier chemin pour atteindre la place de la Constitution et le “Parlement”. La cafeteria des ERTiens était bien pleine. À part les marcheurs arrivés la veille, d’autres gardiens licenciés étaient sur le point de se joindre au mouvement, ces derniers, venus en autocar depuis les quartiers de la capitale, ou encore, depuis la Crète, l’île de Lesbos, la Thessalie, ou même depuis les campagnes de la Grèce du nord.
Incontestablement, Manolis Stathopoulos de Thessalonique est leur héros. Je l’ai rencontré peu avant son passage au direct matinal de la chaîne NET (ERT). “Les autres chaînes du... grand privé comme on dit, ont pratiquement ignoré l’événement. La dernière marche à pied entre Thessalonique et Athènes date de 1982. Cette année, nous avons aussi voulu rendre hommage à Grigoris Lambrakis et à sa lutte à l’époque. Il a été assassiné à Thessalonique comme tout le monde sait. Sa mémoire est vivante, et surtout en ce moment”.
Tandis que certains marcheurs étaient encore soignés mardi matin par les infirmiers engagés au dispensaire de l’ERT, le café fut quelque peu prolongé. Les marcheurs de Thessalonique avaient retrouvé ces autres... rayés de la carte scolaire des gardiens, ils ont pu enfin se raconter leur histoire immédiate, à la fois déterminés, joyeux et résignés à l’image des mentalités grecques du moment. “Nous marchons pour la dignité” affirmaient-ils. (...)
Les journalistes ont accueilli ces marcheurs comme il se le doit. “Nous voilà ainsi en compagnie des témoins de Thessalonique. Ils mènent leur lutte comme nous tous ici nous menons la nôtre. Nous avons démontré que la télévision ERT peut fonctionner, et d’ailleurs mieux qu’auparavant, c’est-à-dire délivrée de la pression des maîtres-gouvernants”. Sur le teeshirt de Maria on pouvait lire ceci : “Non à la misère”. (...)
“Et comme à la guerre, vous nous rejoignez à présent ici, sur le front de l’ERT”, a précisé un journaliste. “C’est autant le Marathon de la Résistance”, répondirent d’une seule voix les trois marcheurs de la dignité. (...)
Le plus dur, c’était de ne pas craquer pendant la dernière semaine et de ne pas reculer au début, c’est-à-dire, quand les policiers nous ont signifié que l’autoroute ne nous appartient pas, et la route nationale non plus d’ailleurs, et que de ce fait nous devions... rentrer chez nous. Le tout, au premier soir et sous une pluie battante. Nous avons téléphoné à certains députés de l’opposition, lesquels ont pu enfin agir au niveau du Parlement... et la situation a été débloquée. Cette dure rencontre avec les policiers était alors un moment bien poignant pour tous” (...)
Manolis et les siens rejoints par bien d’autres ont ainsi repris le chemin de la marche, le dernier du moment en tout cas. Parmi leurs slogans, “Travail et dignité”, “Soit Nous, soit Eux”, en plus de celui du parti du “Plan-B” à propos... du “Prix à payer pour l’euro”, autant dire, mourir pour l’euro. (...)