
Dans le Morbihan, l’éleveur David Guillemet, lui-même autiste, accueille des stagiaires en situation de handicap mental pour leur enseigner l’agriculture biologique et les aider à progresser vers l’autonomie et l’emploi.
Ça pourrait être une ferme comme les autres. Une petite exploitation bovine, avec ses vaches, pâturant sur des collines verdoyantes, ses traditionnels bâtiments en granit, une étable en tôle et quelques engins agricoles. Mais l’objet de cet élevage de Ploërdut, dans le centre de la Bretagne, en fait un lieu peu commun : le chef d’exploitation est autiste et a créé sa ferme dans le but d’accueillir régulièrement des stagiaires en situation de handicap mental (autistes et trisomiques). « C’est une ferme gérée par un débile », annonce David Guillemet, le chef d’exploitation, reprenant l’expression qu’il a si souvent entendue. (...)
le monde des adultes n’est pas moins cruel que celui des enfants : « Un jour, en réunion, un représentant de syndicat agricole a sorti, sans que ça ne dérange personne : “Il y a suffisamment de bordel comme ça dans l’agriculture, on ne va pas en plus s’emmerder avec les débiles”. » David quitte aussitôt la réunion et décide de créer une ferme pour faire travailler des stagiaires en situation de handicap.
Trouver un stage est rarement chose facile, mais devient un véritable parcours du combattant pour les élèves atteints de handicaps. (...)
Pour Édouard Braine, diplomate paraplégique depuis 16 ans et président de l’association Santiago accessible, qui offre la possibilité du contact avec la nature aux personnes handicapées, l’accès au travail est pourtant essentiel : « Tout le monde a besoin de se sentir utile aux autres, explique-t-il. Tout le monde doit avoir accès à cela. La société doit donc s’organiser pour. » Car la question du stage s’inscrit dans une problématique générale de la difficulté d’accès à la vie en société pour les personnes handicapées.(...)
Les parents de Benjamin, régulièrement en stage chez David, y font face depuis l’enfance de leur fils. « C’est difficile pour tout, que ce soit stages ou activités extrascolaires, témoignent-ils. La réponse est toujours “on n’est pas formés”. Mais ça ne nécessite pas de formation particulière. » (...)
L’exploitation compte beaucoup de landes. « On ne les cultive donc pas, commente-t-il. De grands genêts poussent l’été, aux pieds desquels les vaches aiment se mettre à l’ombre. On coupe l’herbe des zones humides seulement en dehors des périodes de reproduction, pour permettre la nidification d’un maximum d’oiseaux et d’insectes. On se moque de moi, car le jonc pousse dans ces zones, mais ça fait une excellente litière. Il y a aussi des orchidées naturelles qui poussent et on les préserve des piétinements des vaches. »
Toutes les vaches sont de race salers, réputée docile. Les stagiaires sont très à l’aise avec elles. « Ils ont une relation avec l’animal qui compense celle qu’ils ont avec l’être humain », observe David. Un petit chemin de terre sépare la maison de l’étable, où est regroupée une partie du cheptel. L’exploitant a adapté tout son matériel. « Sous ce bâtiment, on peut très facilement bloquer tous les accès aux animaux et ainsi travailler sans risque », montre-t-il. Les commandes du tracteur ont aussi été simplifiées. « Avec des sécurités de partout. Dès que le tracteur détecte un mouvement anormal, il s’arrête. » Les stagiaires disposent également d’un petit logement communicant avec la maison de David, pour progresser en autonomie.(...)