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La grande évasion : ras les villes, vive les champs ?
Article mis en ligne le 9 septembre 2022
dernière modification le 8 septembre 2022

Introduction de notre dossier consacré aux tentations d’exode urbain et aux luttes en territoire rural.

(...) Faut l’avouer : enchâssés dans notre Marseille encrassée et vrombissante, on a parfois les pensées qui filent en piaillant vers des contrées plus vertes. La réappropriation des moyens de subsistance, la réinvention de formes de vie collectives, les journées qui s’allongent à n’en plus finir, les poussins dodus qui vous picorent les doigts de pied... On vote pour. D’autant que politiquement, on a l’impression qu’il se passe de plus en plus de choses dans les campagnes : aux quatre coins de l’Hexagone, la résistance s’organise contre la spéculation foncière agricole, l’artificialisation des sols ou la pression du modèle agro-industriel polluant dont toutes les zones rurales font les frais. (...)

À l’heure où ce texte est écrit, le dimanche 28 août, quelque trois cents joyeux militants affiliés à la campagne des Soulèvements de la Terre sont ainsi en train de vendanger des vignes appartenant au groupe LVMH pour protester contre l’accaparement des terres agricoles dans le Var. Et alors qu’on boucle ce numéro, rafler le vin de Bernard Arnault en compagnie de joyeux lurons paysans nous paraît une option tout à fait désirable.

Du Larzac à Notre-Dame-des-Landes en passant par Bure et Sivens, les luttes rurales savent parfois plus que d’autres rassembler les ennemis du capitalisme écocidaire. On en parlait il y a un peu plus d’un an dans notre dossier « Luttes locales contre déprime globale » (CQFD n°200, juillet-août 2021). Et de retour de vacances au vert, on a eu envie d’y revenir, mais en changeant l’angle, en pointant le temps long plus que l’étincelle. En se penchant sur les écueils, aussi, ce qui dans le mouvement croissant de désertion des villes pose question. Gratter là où l’herbe n’est pas si verte... (...)

Qu’on y jette un regard historique ou focalisé sur le présent, la désertion des villes, quand elle se veut politique, pose en tout cas bien des questions. En quoi est-ce tellement politique, en soi, de s’installer à la campagne ? À quoi ça rime de déserter les luttes urbaines, qui concernent malgré tout l’immense majorité de la population ? Et est-ce que cette démarche ne concerne pas avant tout une classe dotée de certains moyens financiers, au risque de se complaire dans l’entre-soi ? Ces questions, les aspirants-néos se les posent de plus en plus [p. VIII]. Car le gros hic, hier comme aujourd’hui, c’est celui de l’insertion des nouveaux venus dans l’environnement où ils ont choisi de vivre, et dont les habitants déjà-là ne leur ont rien demandé et ne partagent pas nécessairement leur vision du monde. Il y a sans doute une part de cliché, voire de mythe civilisateur, dans cette confrontation [p. IX] ; ne pas la prendre en compte, c’est pourtant s’exposer au risque de voir capoter les luttes qui auraient dû être les plus fédératrices [pp. VI & VII].

Ici s’invite dans le débat une donnée essentielle, qui oblige à tempérer certains constats : les territoires ruraux ne sont pas uniformes, ni tous soumis aux mêmes problématiques (...)

Qu’elles se déroulent sur le goudron ou dans la boue, nos luttes font face au même monstre. D’un côté comme de l’autre, il y est question de rapports de domination exacerbés, d’artificialisation du vivant, de capitalisme destructeur, de dépossession de nos vies, de lutte des classes et d’une petite élite étalant son dédain sur nos gueules de piafs. Kif kif. Aussi, la grande évasion rurale n’aura de sens que si elle fait le lien avec ceux restés à l’arrière, dans la fumée des villes. La grande évasion ? Nan, la grande union. Adelante !