
Alors que le Parti socialiste et le PCF peinent à définir une stratégie pour le quinquennat et à renouveler leur identité, La France Insoumise s’affirme comme le moteur de l’opposition à Emmanuel Macron.
Avec 17 élus sur 577, la France Insoumise (LFI) entre à l’Assemblée Nationale. Élu à Marseille, Jean-Luc Mélenchon siégera au Palais Bourbon avec seize de ses camarades et désormais collègues. Souvent jeunes, ils seraient aux yeux des Français (d’après l’IFOP) les représentants de la première force d’opposition à la Présidence Macron et au gouvernement Philippe. La France Insoumise a obtenu sept millions de voix pour son candidat en avril. Elle conquiert un groupe parlementaire en juin. Elle reste donc à l’offensive. Son cri de ralliement –« Résistance ! »– sonne presque dans ce contexte comme un contresens ou comme l’aveu que la vocation majoritaire de LFI n’est pour l’heure pas encore évidente aux yeux de ses propres animateurs. (...)
Dans l’hémicycle, le groupe insoumis sera flanqué sur sa gauche des députés communistes si ceux-ci ne le rallient pas et sur sa droite du groupe socialiste, profondément divisé sur la confiance à apporter ou non au gouvernement. (...)
Libéré de la stratégie passée de la gauche radicale, LFI vise en fait à se substituer à la fois au PCF et au PS. Ces deux partis apparaissent condamnés, pour des raisons différentes, à la stagnation ou à la régression dans la période qui s’ouvre.
Le Parti communiste français, a priori dans l’impossibilité de former un groupe autonome, a sauvé les meubles aux législatives et réalise même quelques notables performances locales comme en Seine-Maritime. Cependant le PCF, tiraillé entre une base beaucoup plus radicale dans ses aspirations que la pratique politique de ses élus et dirigeants, se trouve dans l’impossibilité d’affirmer une stratégie claire. Il se retrouve ainsi associé à des majorités locales qui incluent désormais des membres d’En Marche…
Deux forces politiques jadis de premier plan sont désormais susceptibles d’être clouées au sol par leur difficulté à adopter une stratégie en phase avec la nouvelle configuration politique (...)
Le Parti socialiste vient de subir une déroute historique, incomparable tant en nombre de voix obtenues que de sièges sauvés. Des sortants conservent leur mandat, comme Dominique Potier, député PS et rare représentant des « cathos de gauche » en politique, Olivier Dussopt, l’un des élus les plus impliqués dans l’animation du réseaux d’élus locaux socialistes. Cependant, les conditions de la survie rendent très difficile l’affirmation de l’action parlementaire socialiste comme vecteur de l’opposition à Emmanuel Macron. Le groupe socialiste doit composer avec ceux des siens qui font preuve de sympathies pour la nouvelle majorité, voire s’inscrivent délibérément dans la majorité présidentielle. Le Bureau National du PS a avancé le « non-vote » de la confiance au gouvernement Philippe. Tiraillés encore longtemps entre des socialistes conciliants à l’égard de la présidence Macron et d’autres clairement opposés à son projet, le PS et le groupe socialiste n’ont pas fini de connaitre des débats houleux. (...)
La France Insoumise se glisse dans la géographie électorale du socialisme français. En Ariège, jusqu’alors considéré comme un bastion inexpugnable du PS, à Lille, dans le Nord-Est parisien et en Seine-Saint-Denis, les positions de force de LFI évoquent le possible remplacement du PS par cette nouvelle force. A l’évidence, l’objectif de LFI ne peut être simplement de faire vivre une gauche durablement minoritaire.
À la fois à l’Assemblée et dans la rue, LFI peut réussir à articuler mouvement social et action dans les institutions. Désormais, c’est sa stratégie visant l’hégémonie et non la simple conservation du nombre d’électeurs d’avril qui va occuper LFI. Il ne s’agit pas simplement pour LFI d’être « la gauche ». Il s’agit de construire le sujet politique nouveau capable de s’imposer dans un contexte de décomposition. Au-delà des aspects électoraux, des combats très rudes sont en cours touchant à l’idéologie, aux représentations collectives, à l’idée que l’on se fait tout simplement de l’avenir de son pays et du sien en son sein. Cette « guerre de position » n’est pas secondaire, elle est la condition de tout. (...)
En entrant à l’Assemblée nationale mais en gardant un lien puissant avec « la rue », LFI s’est imposée face au PS et au PCF. Il lui reste le plus dur à faire : désarticuler les évidences du discours macronien pour en imposer de nouvelles. Cela ne fait que commencer.