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La « guerre », quelle guerre ?
Article mis en ligne le 26 novembre 2015

Tout est allé très vite, sans qu’il n’y ait le moindre débat. Deux heures après le début des attaques qui ont ensanglanté Paris, François Hollande intervient en direct à la télévision, le visage grave. Le président de la République décrète l’état d’urgence, car, dit-il, nous faisons face à un « acte de guerre ». Mais de quelle guerre parle le chef des armées ?

Comme une loi de 1955 lui en donne le pouvoir, le président utilise un dispositif inauguré par le gouvernement SFIO de Guy Mollet : l’état d’urgence. L’objectif est de militariser l’ordre républicain : perquisition de jour comme de nuit, assignation à résidence, contrôle de la presse, etc. Parallèlement, il appelle l’armée en renfort dans les rues de Paris pour contrôler l’espace urbain. Jusqu’à quand ? Et dans quel but ?

(...) La « guerre », « l’ennemi intérieur », la « haine » et la « peur ». Autant de mots qui résonnent comme des marqueurs sémantiques d’une autre époque. Dans un livre (Le Viol des foules par la propagande politique, éditions Gallimard) publié en 1939, l’écrivain anti-bolchevik Serge Tchakhotine analysait le mécanisme de la peur collective. La peur paralyse tout sujet dans un premier temps, puis permet d’obtenir son consentement par ralliement forcé. C’est le réflexe pavlovien. Au nom de la peur, une autorité peut ordonner à des hommes bien conditionnés n’importe quelle action, y compris les plus extrêmes. (...)

Le tripode renseignement, police, justice

En libérant la parole publique à son plus haut niveau, l’exécutif vient donc de basculer dans une mécanique qu’il aura le plus grand mal à contrôler. D’autant plus que les hommes responsables de l’appareil d’Etat y sont prêts. (...)

Alors, de quoi cette guerre est-elle le signe ? En octobre 1997, la « Revue de la défense nationale » publiait un article visionnaire, « Retour à la guerre révolutionnaire », sur la résurgence d’une vieille tradition française. Fort de son expérience africaine, le lieutenant-colonel Grégoire de Saint-Quentin (aujourd’hui patron du COS, les forces spéciales) posait la question de la validité de la doctrine de la « guerre révolutionnaire » (DGR) dans les conflits à venir. La DGR fait référence à un arsenal tactique qui fut, pendant la guerre froide, l’outil principal de l’armée française. L’idée est simple : face à un mouvement « révolutionnaire », de type guérilla ou terroriste, il faut utiliser le peuple. Comment ? Par la peur et la propagande. Avec quels moyens ? Ceux des « hiérarchies parallèles » qui, milices s’articulant aux services de renseignement, à la police et à l’armée, vont, en temps de crise, supplanter les structures de l’Etat défaillant. Chaque individu devient, à son niveau, un instrument de la « guerre totale ». (...)

Le résultat est toujours le même : sanglant bien sûr, mais surtout, il conduit à instaurer une dictature « pure, dure et cruelle » comme l’avait déterminé le colonel Lacheroy, chef du 5ème Bureau, celui de Guerre et d’Action psychologiques pendant la guerre d’Algérie. (...)

si vous définissez l’ennemi d’une façon hybride basée sur une identité essentialisée, par ce qu’il est supposé être, forcément en totale opposition existentielle à « l’ami » et non pour ce qu’il fait, il est impossible de sortir de la guerre, une guerre perdue d’avance.