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La liberté d’expression est en danger (IV/IV)
par Isabelle F. lundi 18 mars 2013
Article mis en ligne le 22 mars 2013
dernière modification le 19 mars 2013

A l’occasion de la proposition de loi sur les délais de prescription des injures et diffamations discutée au sénat le 7 février dernier, nos sénateurs ont passé en revue divers arguments à l’encontre de la liberté d’expression telle qu’elle est aujourd’hui protégée et correctement appliquée sur Internet . Encore une fois, la France tente, à travers ses représentants, à la traîne il faut bien le dire sur la question numérique, d’imposer au monde sa vision étroite et archaïque, faussement juridique, d’un réseau universel libre pour tout citoyen lambda, qu’elle ne voudrait peut-être pas si libre, si universel, non pas pour mieux le réprimer, mais pour le censurer.

Plusieurs sénateurs mettent tout d’abord en cause le caractère universel d’Internet.

C’est avec un étonnement agacé que l’on peut les voir regretter le caractère mondial d’Internet, ouvrant les frontières entre les peuples, les continents, et permettant une interaction plus rapide entre les individus d’un Etat à un autre grâce à une plateforme accessible depuis n’importe quel point de la planète. (...)

Non, Internet n’est pas une zone de non droit, nous avons tout le dispositif nécessaire en France pour poursuivre un ressortissant ou un site français, malgré des difficultés purement techniques et non juridiques, qu’il nous faut prendre en compte pour le respect des droits fondamentaux. (...)

ce qui est « impensable », c’est de croire comme semble le faire Monsieur Jean-Pierre Sueur, que l’Europe peut peser au niveau international pour imposer sa vision du droit numérique. Pourquoi ?

 Tout d’abord parce que l’Europe elle-même n’a pas un droit unique concernant Internet. Certes, les directives sur le commerce électronique du 8 juin 2000 et vie privée et communications électroniques du 12 juillet 2002, à l’origine de notre LCEN , harmonisent dans une certaine mesure les 27 Etats membres de l’Union Européenne sur Internet, mais les infractions diffèrent entre chaque Etat. Par exemple, la vie privée est bien moins protégée au Royaume-Uni qu’en France, et cet autre village gaulois risque de ne pas apprécier que la France veuille imposer son droit de la presse à d’autres Etats, Internet ou pas. Aussi, l’Europe ne pourrait pas « s’imposer au niveau international » avec autant de divergences internes qui ne risquent pas de disparaître. Il n’y pas de raison de penser que le R.U. veuille moins protéger son droit que nos sénateurs ne le souhaitent eux-mêmes.

 Ensuite, parce que le jour où l’Europe arrivera à imposer sa vision juridique d’Internet au géants américains n’arrivera jamais.

 Et enfin, même remarque avec la Chine, la Russie, ou l’Erythrée. Leur imposer nos propres restrictions ne devrait pas poser de problèmes. Mais si le sénateur souhaite que les règles soient les mêmes partout, alors il faudra aller jusqu’au bout et imposer nos libertés à la Chine, et ne pas s’arrêter à la simple répression des abus. Nos sénateurs peuvent-ils nous assurer qu’ils y parviendront ? Non.

On se demande alors pourquoi nos sénateurs reviennent aujourd’hui à la charge avec une question qui apparaît bien plus rhétorique que pertinente, pour ne pas dire complètement inutile et dangereuse : « Quelle régulation d’Internet faut-il mettre en place ? Quelle loi doit s’appliquer, et comment la rendre crédible, dés lors que la « toile » se joue des frontières ? » (Jean-Yves Leconte, sénateur représentant les français établis hors de France).

On a envie de lui répondre d’aller ouvrir un livre de droit…Cette question a été posée il y a longtemps, et elle est déjà résolue. (...)

Oui, ce n’est pas facile d’aller poursuivre un site hébergé à l’étranger ou un internaute français installé à l’étranger, ou qui utilise différents proxys. Mais le droit français a déjà tout prévu, il est donc inutile de vouloir le modifier. (...)

si chaque site devait respecter toutes les législations nationales, il ne pourrait plus rien dire, alors un peu de bon sens Messieurs les Sénateurs ! Cela ne relève pas de la liberté d’expression, mais du droit international, et si le gouvernement français veut faire sa loi dans le monde, nous lui souhaitons bien du plaisir. (...)

Battons-nous pour que nos sénateurs, clairement ignorants du droit numérique, cessent de mettre en danger notre liberté d’expression pour des raisons sans rapport avec Internet.

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