
La liberté de la presse recule partout, y compris dans les pays jusque-là relativement démocratiques, selon l’association Reporters sans frontières. Le nombre de journalistes tués – 211 – en couvrant les six années de guerre civile syrienne s’approche du triste record de la seconde guerre d’Irak. La Turquie est devenue « la plus grande prison du monde pour les professionnels des médias » tandis que la Chine enferme massivement « les journalistes-citoyens et les blogueurs ». En France, RSF constate « une recrudescence de pratiques violentes des forces de l’ordre contre des reporters », sur fond de « menace sur l’indépendance éditoriale » des médias sous contrôle des grands industriels.
(...) Dans deux pays sur trois, une situation aggravée
« La liberté de la presse n’a jamais été aussi menacée », résume l’ONG créée en 1985. « Au total, près des deux tiers (62,2%) des pays répertoriés ont enregistré une aggravation de leur situation. » Trois pays ont rejoint les bancs des plus mauvais élèves : le Burundi (160ème sur 180), l’Égypte (161ème) et Bahreïn (164ème). L’Égypte, où dix journalistes ont été tués depuis la « Révolution de janvier 2011 », serait devenue « l’une des plus grandes prisons du monde » pour les professionnels de l’information.
Comme chaque année depuis douze ans, la palme des pays qui piétinent le plus les droits de la presse revient à la Corée du Nord (180ème), le Turkménistan (178ème) et l’Érythrée (179ème). (...)
En Syrie, 211 journalistes tués en six ans
Sans surprise, les zones de conflit sont les pires endroits pour la profession. Six ans après le début de la guerre, la Syrie (177ème) est devenue « le pays le plus meurtrier au monde pour les journalistes », selon les auteurs du rapport. (...)
Plongé lui aussi dans un grave conflit, le Yémen (166ème) n’est guère mieux loti : « Agressions, enlèvements et menaces sont le lot quotidien [des journalistes] lorsqu’ils ne sont pas victimes des bombardements de la coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite », dénonce l’ONG. De même, en Libye (163ème), « informer est une mission presque impossible » aujourd’hui. Enfin, en Somalie, les journalistes sont pris en tenaille entre les islamistes et les autorités. Quand ils refusent l’autocensure, on les enferme arbitrairement ou on interdit leur média.
Dans ce contexte de régression à l’échelle mondiale, RSF craint désormais une rapide et prochaine augmentation du nombre de pays situés dans « la zone noire », ces régions où la situation de la presse est considérée comme très grave.
Turquie et Mexique : la descente aux enfer se poursuit (...)
Norvège, Costa Rica et Jamaïque, toujours dans le Top 10
Au milieu de ce sombre tableau, les pays scandinaves et les Pays-Bas continuent de briller par la liberté qu’ils accordent aux médias. Leader du classement 2017, la Norvège, dont la liberté de la presse est inscrite dans la constitution, se distingue par la loi anti-concentration qu’elle a adoptée en 1997 : celle-ci « interdit aux grands groupes de presse de posséder plus de 40% des capitaux de chaque chaîne de télévision, radio, ou journal », note RSF. Les journaux d’opinion y perçoivent des subventions directes, alors que les généralistes n’ont que des aides indirectes.
La surprise vient des Caraïbes et de l’Amérique centrale. Après être entré en 2015 dans le top 10, le Costa Rica, doté d’une « législation avancée en matière de liberté de l’information », confirme sa 6ème place. Une exception, cependant, dans un paysage régional marqué par « la corruption et l’insécurité », tempère RSF. La Jamaïque (8ème) affiche une étonnante stabilité en haut du palmarès. Depuis 2009, on n’y a enregistré « aucun fait sérieux de violence ou de menace contre la liberté de la presse ». Une loi adoptée en 2013 dépénalise même la diffamation.
En France, liberté sous caution
Trente-neuvième du classement, la France reste loin derrière les meilleurs. La presse a beau y être « globalement libre », la main-mise de grands industriels crée « des conflits qui font peser une menace sur l’indépendance éditoriale, et même sur la situation économique des médias », souligne RSF. Et l’ONG de détailler les démêlés d’iTélé – rebaptisée CNews – avec le nouveau patron de Canal plus, Vincent Bolloré, qui ont conduit au départ d’une centaine de journalistes en l’espace de quelques semaines. (...)
RSF constate en outre « une recrudescence de pratiques violentes des forces de l’ordre contre des reporters » , lors des manifestations de 2016, et « une hostilité grandissante » des politiques et de la population à l’égard des journalistes pendant la campagne présidentielle. (...)