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Fondation Jean-Jaurès
La mésinformation scientifique des jeunes à l’heure des réseaux sociaux
#medias #reseauxsociaux #jeunes
Article mis en ligne le 22 janvier 2023

Alors que la crise sanitaire a été un terreau propice à l’essor des théories complotistes dans un contexte de défiance généralisée envers les autorités, la Fondation Reboot et la Fondation Jean-Jaurès ont commandé à l’Ifop une enquête auprès des jeunes visant à mesurer leur porosité aux contre-vérités scientifiques et ceci au regard de leur usage des réseaux sociaux. Entre platisme, astrologie, créationnisme, sorcellerie et vaccinophobie, cette étude montre la sécession d’une partie de la jeunesse avec le consensus scientifique : les adeptes des thèses conspirationnistes et plus généralement des croyances irrationnelles sont particulièrement nombreux chez les jeunes, notamment chez ceux qui utilisent beaucoup les réseaux sociaux.
Les jeunes affichent une posture nettement plus critique que dans le passé à l’égard de la science

S’il ne faut pas pour autant adopter une grille de lecture trop alarmiste des rapports entre les sciences et la société, force est de constater que les effets bénéfiques de la recherche scientifique sur la société sont de moins en moins bien perçus, notamment par ceux qui peuvent voir dans la science une menace sur leur métier (par exemple : 29% des ouvriers) ou sur leurs dogmes religieux (par exemple : 27% des musulmans, 24% des protestants et évangéliques). (...)

Loin d’être le fruit d’un réflexe « antiscience » isolé, cette défiance à l’égard des bienfaits de la science va de pair avec une vision du monde (« Weltanschauung ») de moins en moins soumise au cadre intellectuel imposé par les vérités scientifiques établies. Dans la mesure où la « recherche académique est aujourd’hui incapable de fournir une estimation précise de la part de la désinformation sur […] Internet1 », l’Ifop a tenté de le mesurer empiriquement en évaluant leur degré de croyance à des « vérités alternatives » très significatives du rejet des théories étayées scientifiquement, sachant que si certaines sont récentes (par exemple le climato-scepticisme, le vaccino-scepticisme…), d’autres sont des grands classiques de l’antiscience (le platisme, le créationnisme…). Or, à la lecture des résultats, l’ampleur de l’adhésion des jeunes à ces thèses confirme bien le constat de précédents travaux qui déploraient « la sécession d’une partie importante de la population avec le consensus scientifique et, plus largement, la subordination de son rapport à la réalité à ses convictions politiques ou philosophiques2 ». (...)

Dans un contexte post-Covid, les fake news médicales nocives trouvent aussi un public chez les jeunes

En confrontant brutalement le grand public à l’étendue des incertitudes des chercheurs et des médecins, la crise liée à la pandémie de Covid-19 a fragilisé la confiance du public à l’égard de la communauté scientifique. Et si l’enquête montre que ces convictions restent un phénomène minoritaire, ce dernier n’en reste pas moins préoccupant au regard de leur potentielle nocivité sur leur santé… (...)

l’idée selon laquelle « on peut avorter sans risque avec des produits à base de plantes » est partagée par un quart des jeunes (25%) et jusqu’à plus d’un tiers (36%) des utilisateurs pluriquotidiens des réseaux sociaux de microblogging (36%). Dans le contexte de confusion consécutif à l’actualité américaine sur le sujet, cette mésinformation peut donc entraîner des conséquences gravissimes sur la santé des jeunes filles, notamment les utilisatrices de Telegram, qui y croient à hauteur de 48%.
Des jeunes plus sensibles que les seniors au récit poutinien sur la crise ukrainienne ou aux thèses trumpistes sur la vie politique américaine (...)

Au total, deux jeunes sur trois croient à au moins une de ces contre-vérités (...)

c’est dans les rangs des utilisateurs pluriquotidiens des réseaux sociaux de microblogging que le taux de pénétration de ces fake news est le plus élevé : 81%, contre 68% chez les non-utilisateurs de ces plateformes. (...)

Malgré les « effets de lissage » de certaines variables, l’observation de leurs caractéristiques permet de dégager trois grandes variables pouvant jouer dans leur sécession avec le consensus scientifique.

D’abord, l’analyse du profil sociologique des jeunes adhérant à au moins une contre-vérité scientifique confirme le constat du rapport Bronner, selon lequel ces théories prospèrent sous l’effet de conditions sociales défavorables, constat établi à partir d’études qui signalent un « niveau de complotisme en moyenne plus élevé dans les pays au sein desquels les gens se sentent socialement menacés (taux de chômage élevé, par exemple)4 ».

Ensuite, le degré d’importance donnée à la religion pour expliquer le monde pèse beaucoup dans l’adhésion à ces théories en rupture avec le consensus scientifique (...)

Enfin, c’est chez les utilisateurs très réguliers des réseaux sociaux que l’on observe le plus d’adeptes à ces vérités alternatives, réseaux où leurs partisans trouvent une grande liberté pour populariser leurs thèses. (...)

Les jeunes se montrent plus sensibles qu’avant aux parasciences et à l’occultisme

L’autre enseignement de cette enquête est que la tendance au « désenchantement du monde »5 – caractérisant le développement de la science au détriment du religieux et autres disciplines de mancie – semble s’inverser : les jeunes adhérent davantage à ces pseudo-sciences qui leur donnent une vision enchantée et simplifiée du monde. (...)

Les jeunes d’aujourd’hui s’avèrent nettement plus superstitieux que leurs aînés…

Les jeunes d’aujourd’hui apparaissent globalement bien plus ouverts aux parasciences que les seniors. Alors que près des deux tiers des jeunes (61%) croient en au moins une discipline de mancie, ils sont seulement 39% parmi les seniors. Et cet écart global se retrouve dans toutes les disciplines testée (...)

Mais alors la question se pose de savoir s’il s’agit d’un effet d’âge – qui peut s’estomper avec le temps – ou d’un effet de génération qui a vocation à durer… En l’état, il est difficile d’y répondre, mais les études menées depuis des décennies sur le rapport à la science montraient déjà qu’avant l’ère du numérique, les jeunes étaient plus sensibles à ces croyances. (...)

Notre hypothèse serait donc plutôt qu’il s’agit à la fois d’un effet de génération et d’un effet d’âge, les désordres informationnels de l’ère Internet venant sans doute accentuer la perméabilité traditionnelle des jeunes générations à ces croyances surnaturelles. (...)

… tout particulièrement dans les rangs des minorités religieuses et des minorités de genre… (...)

… mais surtout des jeunes ayant un usage intensif des réseaux sociaux (...)

Les jeunes sont loin d’être critiques sur la qualité du contenu informatif présent sur les réseaux sociaux (...)

L’usage d’Internet pour s’informer est devenu la norme chez les jeunes… (...)

Une précédente étude pour la Fondation Reboot12 montrait que les jeunes de dix-huit à vingt-quatre ans ont largement délaissé la télévision pour se porter massivement sur Internet : 64% d’entre eux utilisent Internet comme source principale d’information, soit trois fois plus qu’en 2009 (24%). Or, cette nouvelle étude révèle que les réseaux sociaux de partage y sont désormais largement plébiscités : 69% des jeunes les consultent, 59% utilisent les moteurs de recherche en ligne et 58% les services de vidéos en ligne. À l’inverse, les JT sont à la peine, n’ayant été suivi par 23% des personnes de cette génération au cours du dernier mois. (...)

… alors même que près d’un tiers ont confiance dans ce qu’ils peuvent lire sur les réseaux sociaux (...)

Force est de constater que le lien entre cette confiance et la croyance en des éléments infondés est réel. Ainsi, 37% de ceux qui adhérent à au moins une contre-vérité scientifique leur font confiance, et 44% de ceux croyant en au moins une discipline de mancie. Les réseaux sociaux, largement porteurs de fake news13 apparaissent donc au cœur des raisons expliquant l’adhésion à des croyances irrationnelles et à des idées non scientifiques du monde. (...)

Plus de 40% des utilisateurs de TikTok ont confiance dans le contenu des influenceurs s’ils ont beaucoup d’abonnés (...)

Chiffre alarmant, 41% des jeunes qui utilisent TikTok comme un moteur de recherche adhèrent à l’affirmation selon laquelle un influenceur qui a un nombre important d’abonnés a tendance à être une source fiable. On peut y voir un effet de notoriété : la parole d’une personne n’est pas remise en cause ni questionnée car celle-ci est suivie par de nombreux utilisateurs du réseau social. Ainsi, l’aura suffit à se mettre en position de sachant, sans que cela ne choque de nombreux jeunes. Et ce sont les jeunes les plus modestes (les ouvriers à 52%, les plus pauvres à 44%) qui prennent le plus en compte ce critère pour juger de la crédibilité des influenceurs et créateurs de contenus. (...)

Au-delà des données quantitatives disponibles, on ne compte plus les reportages et les témoignages attestant de la banalisation contemporaine des croyances complotistes dans les salles de classe et les copies des élèves du secondaire et du supérieur.

Si cette tendance ne s’infléchit pas, on ne voit pas ce qui pourrait empêcher notre société de devenir à moyen terme, par « remplacement générationnel », une société plus perméable à l’imaginaire complotiste et à l’irrationnel qu’aujourd’hui – avec toutes les régressions potentielles que cela implique (extrémisme, obscurantisme…). (...)

Aux États-Unis, la désinformation a de longue date des implications très concrètes dans le champ politique : le site spécialisé FiveThirtyEight a relevé que 199 candidats républicains aux midterms de novembre dernier avaient explicitement nié la légitimité du résultat de l’élection de 2020. Là-bas comme en France, nos études identifient très clairement le rôle des réseaux sociaux dans la dispersion et la conviction des fausses informations : il devient urgent d’armer nos jeunes face à cette bombe à retardement civique.

À la lecture de cette enquête, on le comprend : les jeunes n’ont pas les armes pour lutter contre la désinformation et les contre-vérités scientifiques propagées sur les réseaux sociaux. Comment les outiller ? La Fondation Reboot recommande depuis sa création la formation des enseignants au raisonnement critique, et la mise en place de modules ad hoc pour donner aux plus jeunes les clés de cette méthode : il faut que les futurs citoyens apprennent à considérer plusieurs points de vue, et à les confronter pour se faire une opinion basée sur des faits, et uniquement des faits.

C’est aussi pour ces raisons qu’outre le renforcement de l’enseignement critique, la Fondation Reboot plaide pour un meilleur contrôle des plateformes : devoir de transparence concernant le développement et le déploiement des algorithmes, et notamment des recommandations de contenus qui sont faites, interdiction de la sponsorisation de la désinformation, voire une restriction d’âge sont autant de pistes qui doivent nous permettre de lutter contre la désinformation.

Il y a seulement quelques mois, le rapport de la commission menée par Gerald Bronner formulait plusieurs recommandations pertinentes pour enfin se saisir de cet enjeu primordial pour les prochaines générations : il pourrait être bon de le relire, avant qu’il ne soit trop tard. (...)

Aux États-Unis, la désinformation a de longue date des implications très concrètes dans le champ politique : le site spécialisé FiveThirtyEight a relevé que 199 candidats républicains aux midterms de novembre dernier avaient explicitement nié la légitimité du résultat de l’élection de 2020. Là-bas comme en France, nos études identifient très clairement le rôle des réseaux sociaux dans la dispersion et la conviction des fausses informations : il devient urgent d’armer nos jeunes face à cette bombe à retardement civique.

À la lecture de cette enquête, on le comprend : les jeunes n’ont pas les armes pour lutter contre la désinformation et les contre-vérités scientifiques propagées sur les réseaux sociaux. Comment les outiller ? La Fondation Reboot recommande depuis sa création la formation des enseignants au raisonnement critique, et la mise en place de modules ad hoc pour donner aux plus jeunes les clés de cette méthode : il faut que les futurs citoyens apprennent à considérer plusieurs points de vue, et à les confronter pour se faire une opinion basée sur des faits, et uniquement des faits.

C’est aussi pour ces raisons qu’outre le renforcement de l’enseignement critique, la Fondation Reboot plaide pour un meilleur contrôle des plateformes : devoir de transparence concernant le développement et le déploiement des algorithmes, et notamment des recommandations de contenus qui sont faites, interdiction de la sponsorisation de la désinformation, voire une restriction d’âge sont autant de pistes qui doivent nous permettre de lutter contre la désinformation.

Il y a seulement quelques mois, le rapport de la commission menée par Gerald Bronner formulait plusieurs recommandations pertinentes pour enfin se saisir de cet enjeu primordial pour les prochaines générations : il pourrait être bon de le relire, avant qu’il ne soit trop tard.

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 (LADN)
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