
Aux attentats de Paris, la classe politique et médiatique a répondu, presque à l’unisson, par des propos martiaux. Une autre voix propose de voir au-delà de l’émotion et de sortir de « l’idéologie de la violence ». Cela suppose du temps, de la réflexion, un retour sur soi, une attention à l’autre
(...) Pour répondre aux actes terroristes qui ont fait 129 morts, le gouvernement joue la carte guerrière.
Une décision plébiscitée par les Français, du moins si l’on en croit les sondages.(...)
Pourtant, dans les rues de la capitale meurtrie, les citoyens ont préféré les bougies et les fleurs aux armes, les messages d’amour et d’humour à ceux de haine. « Il y a beaucoup de sagesse au sein de la population, les gens se tournent spontanément vers des actions non-violentes », observe Jean-Marie Muller, philosophe et penseur de la non-violence. Symbole de ce refus populaire de la vengeance, Antoine Leiris, un jeune papa qui a perdu sa femme dans les attentats. (...)
« Il y a des moments bien sûr où il faut contraindre, reconnaît Serge Perrin, membre du Mouvement pour une alternative non-violente (le Man). Mais il faut absolument rester dans un cadre légal. Et la loi ne se construit pas dans l’urgence, mais dans le débat démocratique. » L’avis est partagé par Jean-Marie Muller, qui met en avant l’initiation à des pratiques de défense comme l’aïkido, qui retourne la violence contre celui qui en use. « Enseigner aux jeunes à se défendre sans violence, c’est aussi important que leur apprendre les maths ! », conclut-il.
La guerre ne résout rien
Former les jeunes à être « des artisans de la paix », c’est justement la raison d’être d’Intercordia, une association qui accompagne des 20-30 ans dans une mission de solidarité internationale. (...)
Prendre du recul et de la hauteur, c’est une des invitations de la non-violence : « La culture qui domine nos sociétés est structurée par l’idéologie de la violence nécessaire, légitime et honorable. Désarmer le terrorisme, c’est d’abord désarmer cette idéologie », estime Jean-Marie Muller.
Refuser la violence ne signifie pas nier le conflit, ou ne rien faire, mais proposer d’autres voies pour y répondre. (...)
Dans un dossier consacré à la question du terrorisme, la revue Alternatives non-violentes rappelle ainsi que « l’histoire récente n’enregistre aucun cas dans lequel une lutte armée aurait su transformer un régime », et pointe au contraire– chiffres à l’appui – l’efficacité de la lutte non-violente, « qui est deux fois plus susceptible de mener ses auteurs à leur but que l’action armée ». (...)
Contre la logique de guerre, les non-violents prônent l’intervention civile de paix. Jean-Marie Muller la définit comme « une intervention non-armée, sur le terrain d’un conflit, de missions extérieures venant accomplir des actions d’observation, d’information, d’interposition, de médiation et de coopération en vue de prévenir ou de faire cesser la violence, de créer les conditions d’une solution politique du conflit qui reconnaisse et garantisse les droits fondamentaux ». Missions d’observation, témoignages et plaidoyer sur la situation, création de zones démilitarisées, éducation populaire à la paix... Au Mexique, des observateurs internationaux se rendent ainsi tous les jours dans des zones de conflit afin d’éviter des massacres de populations civiles.
Prendre conscience de « la part de violence qui est en nous-mêmes » (...)
« S’interroger sur notre responsabilité, c’est comprendre que notre mode de vie occidental, industrialisé, est un des moteurs de la violence. » Travailler sur les causes de la violence, certes, mais aussi construire au jour le jour « des relations positives, humaines », explique Serge Perrin. « Notre réponse aux actes terroristes passe par une résistance civile collective, par la cohésion sociale, par le vivre ensemble ». Fête des voisins, jardins familiaux, ateliers participatifs. « C’est pour cette raison que les manifestations prévues pendant la COP sont essentielles », pointe le militant. (...)
Exercez-vous ! Au lieu de dire : « Ces abominables terroristes », dites : « Des personnes qui ont commis des actes de terrorisme » ; au lieu de dire : « Tu m’énerves, espèce de journaliste imbécile », dites : « Je suis fatigué de lire des articles trop longs, j’ai besoin de me changer les idées ! »