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Slate.fr
La note cruelle qui accable la nouvelle loi antiterroriste
Article mis en ligne le 27 octobre 2017
dernière modification le 26 octobre 2017

Une note d’analyse fustigeant la pérennisation de l’état d’urgence, étrangement passée inaperçue, recèle une petite bombe : le « mouchard » informatique légalisé en 2011 par la LOPPSI 2 de Nicolas Sarkozy n’a « jamais été mis en œuvre, faute d’offre technologique ».

La note d’analyse du think tank L’Hétairie au sujet du projet de loi Collomb adopté le 18 octobre dernier « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme », qualifié d’« injustifiable agonie de nos droits » et de « retour de la loi des suspects », est l’une des plus cinglantes –voire cruelles– qu’il nous ait jamais été donné de lire en la matière.

Cruelle, parce qu’en plus de tailler en pièces une bonne partie dudit projet de loi, elle pointe également du doigt un « coupable oubli » en matière de techniques d’enquêtes judiciaires. « En voie de généralisation », soulignent en effet les auteurs de l’analyse, le chiffrement des communications électroniques « constitue un frein majeur à la conduite des enquêtes » :

« À titre d’exemple, 80% des interceptions de données sont aujourd’hui chiffrées, réduisant considérablement la capacité des enquêteurs à collecter du renseignement utile aux procédures judiciaires. »

Cheval de troie

La loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite LOPPSI 2) avait précisément légalisé la « captation de données informatiques (schématiquement, les logiciels espions) ». Une disposition qualifiée par les auteurs de la note d’« éminemment stratégique » car elle permet aux autorités « de contourner le chiffrement en prélevant les informations directement sur le terminal de communication au moment de leur saisie ». Au moment de leur saisie, c’est important, car à ce moment-là, elle ne sont pas encore chiffrées. (...)

La loi prévoit ainsi l’installation à distance ou via « l’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux », d’un « dispositif technique » type cheval de troie informatique, ou enregistreur de frappe (keylogger, en anglais). Pour être clair, tout ce qui est tapé sur les claviers des appareils espionnés est enregistré. (...)

La disposition, initialement prévue « pour une durée maximale » de 1 à 4 mois, « renouvelable une fois », a depuis été étendue, mais « sans que la durée totale des opérations ne puisse excéder deux ans ». La possibilité d’un « recours aux moyens de l’État soumis au secret de la défense nationale » a depuis, elle aussi, été rajoutée.

« Le texte semble s’être perdu dans les limbes »
Or, déplorent les auteurs de l’analyse, bien qu’introduite dans le Code de Procédure Pénale en 2011, cette disposition « n’a jamais été mise en œuvre, faute d’offre technologique » et ce, quand bien même « les services de renseignement ont développé des compétences en la matière, preuve qu’il n’existe pas d’obstacle technique ».

Cette révélation, et ce « coupable oubli », sont d’autant plus étonnants que, soulignent les auteurs de la note, « les ministères de la Justice et de l’Intérieur, après plusieurs mois de travail, sont parvenus à un accord en mars 2017 afin de structurer l’offre étatique de logiciels espions au profit de la police judiciaire » : (...)

L’Etat a le droit de nous espionner, mais il ne peut toujours pas le faire, faute de moyens technologiques. Et les auteurs de la note sont bien informés (...)

Ce « coupable oubli » illustre aussi s’il en est la comédie sécuritaire que je brocardais en juin dernier : non content de péréniser l’état d’urgence (pour, soi-disant... « sortir de l’état d’urgence »), la loi Collomb vise moins à répondre, concrètement, aux problèmes (humains, financiers, techniques et matériels) rencontrés par la Justice qu’à donner une « impression de sécurité » à une opinion publique effrayée par la surexploitation politique et médiatique du terrorisme. (...)