
(...) Les bassines sont-elles bénéfiques aux nappes phréatiques ? La bataille scientifique fait rage vis-à-vis de ces énormes réservoirs d’eau qui doivent être construits dans le Marais poitevin. Dernier épisode de cette joute entre experts hydrologues : la publication le 30 janvier d’un contre-rapport critiquant une expertise du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) favorable aux bassines.
(...) En juillet dernier, le BRGM publiait les résultats d’une étude qu’il avait réalisée sur commande de la Coopérative de l’eau, instigatrice des seize futures bassines du Marais poitevin. Selon cette étude, les prélèvements hivernaux réalisés pour remplir ces réservoirs n’auraient qu’un impact négligeable sur les nappes phréatiques et les cours d’eau.
À en croire ce document, ils pourraient même améliorer le niveau des nappes au printemps et en été de l’ordre de 6 (...)
Elle dénonce plusieurs biais. Tout d’abord, l’outil employé : le modèle des nappes du Jurassique. Il utilise selon elle des algorithmes non pertinents pour analyser les données hydrologiques à une échelle locale. (...)
Second biais : la marge d’erreur, estimée à 2 centimètres par le BRGM. Anne-Morwenn Pastier parvient à un tout autre résultat. Elle a comparé les valeurs réelles relevées sur le terrain entre 2000 et 2011 avec les données issues de la simulation : « Si je dois donner une valeur d’incertitude indicative, elle serait entre 1,20 et 2,2 mètres ». Une marge d’erreur bien loin des 2 centimètres du BRGM. (...)
La chercheuse critique également les données concernant la rivière du Mignon : « Lorsqu’ils parlent d’une amélioration du débit à l’étiage [lorsque la rivière est à son niveau le plus bas] de 40 %, cela signifie qu’on passe de 0,3 m³/ seconde à 0,45 m³/seconde. Or, la rivière est considérée à sec en dessous de 0,50 m³/seconde. On aura toujours un lit boueux pour le Mignon, même si la boue sera peut-être plus liquide. »
Le BRGM oublie le réchauffement climatique
Dernier reproche, déjà signalé cet été par le journaliste Stéphane Foucard dans Le Monde : la non prise en considération du réchauffement climatique par le rapport du BRGM. « Cela ne faisait pas partie de la demande », explique l’organisme dans un courriel envoyé à Reporterre. (...)
Face à de telles différences entre deux rapports scientifiques, comment se faire un avis en tant que néophyte ? « Il est vrai que ce n’est pas facile », concède Anne-Morwenn Pastier. Mais la chercheuse espère que son travail pourra aider les juges lors des futurs recours juridiques des collectifs d’opposants.
D’autant qu’elle est loin d’être la seule scientifique à s’opposer à ces réservoirs d’eau. De nombreux hydrologues et spécialistes des milieux aquatiques ont pris position ces derniers mois. (...)
Au sein du collectif Bassines non merci, un groupe de scientifiques est en train de se constituer. « Nous allons essayer d’inventer un nouveau paradigme scientifique pour aborder autrement les questions agricoles. Par exemple, plutôt que de parler de volumes préalables, pourquoi ne pas penser plutôt en flux et en équilibre des milieux ? » dit Anne-Morwenn Pastier.
La chercheuse espère ainsi mettre ses compétences au service des antibassines, bien loin du milieu universitaire. (...)