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La publicité en ligne : les médias débloquent !
Article mis en ligne le 22 avril 2016
dernière modification le 18 avril 2016

Le 21 mars 2016, de nombreux éditeurs en ligne lançaient une riposte collective face à la prolifération des logiciels installés par les internautes afin de bloquer les publicités sur les sites de presse. Dans ce contexte, un retour sur les relations incestueuses qu’entretiennent l’information et la publicité ne nous semble pas inutile…

« La publicité nous prend pour des cons. La publicité nous rend cons. » C’est une profession de foi. Ce fut celle de François Cavanna, rédacteur en chef de Charlie Hebdo dans les années 1970. Avec le Professeur Choron et leurs camarades d’Hara Kiri, ils ont, pendant une vingtaine d’années, détourné les publicités pour mieux démonter leurs méfaits. Refusant tout financement publicitaire, ils avaient déjà compris les conséquences néfastes qu’auraient fait peser sur leurs épaules une telle dépendance qu’ils jugeaient malsaine.

Une marque toutes les cinq secondes

La publicité occupe aujourd’hui un espace considérable dans la vie des citoyens. Tout au long d’une année, les Français seraient exposés à 130 000 messages publicitaires dans les médias traditionnels (télévision, radio, presse et cinéma). Mais les réclames lues, vues ou entendues tous supports confondus (médias et hors-médias) seraient d’environ 1 200 à 2 200 par jour (entre 438 000 et 803 000 par an). Un chiffre encore faible car, si l’on considère la publicité au sens très large, « en incluant le sponsoring, le placement de produits dans les films, les enseignes et devantures de magasins, les publicités sur distributeurs de boissons, les displays et autres présentoirs dans les magasins, les logos bien identifiables sur vêtements, etc. », on se rapproche plutôt de « 15 000 stimuli commerciaux par jour et par personne » selon Arnaud Prêtre, chercheur en neuroscience... Soit une marque ingurgitée par notre cerveau toutes les cinq secondes… (...)

vu le foisonnement publicitaire sur Internet, on imagine sans mal le poids qu’occupent les réclames dans le financement des médias en ligne. (...)

Un petit bilan comptable démontre que les hebdomadaires nationaux croulent sous la publicité. (...)

En fonction du poids des recettes publicitaires dans leur chiffre d’affaires, les médias se retrouvent ainsi plus ou moins dépendants d’annonceurs qui peuvent dès lors, si ce n’est jouer directement les censeurs [5], du moins compter sur l’autocensure des rédactions. Quelle latitude les journalistes ont-ils pour mener à bien des enquêtes auprès des principaux annonceurs de leurs médias ? Quelles facilités et quels moyens ont-ils pour enquêter sur le secteur de la communication et de la publicité ? Et plus généralement, dans quelle mesure la nécessité de maximiser l’audimat ou de sélectionner une audience solvable (les fameuses CSP+) dans le seul but de séduire les annonceurs, empiète-t-elle sur les choix éditoriaux des rédactions ? (...)

quand une entreprise ou un élu local refusent de diffuser des annonces dans un média régional trop critique à leurs égards, le journal crie au scandale et brandit aussitôt le slogan, usé jusqu’à la corde, de la liberté de la presse [6]. Mais de quelle liberté s’agit-il ? Celle de vivre sous intraveineuse publicitaire, à la merci de tous les pouvoirs, politiques, administratifs et économiques locaux ? (...)

Que faire alors pour briser cette chaîne qui relie le capital et l’information ? Nous pouvons ainsi relayer quelques propositions avancées :

 Mettre en œuvre une taxe auprès des fournisseurs d’accès à Internet qui diffusent des contenus gratuits en faisant payer en réalité le consommateur final.

 Dans la même lignée, instaurer une taxe auprès des moteurs de recherche qui existent grâce aux contenus qu’ils proposent.

 Proposer de mettre en place un système de financement global des médias d’information (et pas seulement de la presse), en mutualisant un pan entier de la chaîne de production (éditions, transports, flux, locaux d’enregistrements, maquettes, etc.) et en établissant un impôt ou un prélèvement spécifique. [10]

Mais, de manière plus globale, il faut avoir à l’esprit que l’information à un coût. Elle nécessite travail, enquête, logistique, etc., et ne peut être « gratuite » : la gratuité est un leurre. (...)

des lecteurs ne veulent plus payer pour lire ce qu’ils ont déjà lu, vu ou entendu ailleurs, et qui est repris partout, dans le grand recyclage circulaire de l’information : une information trop souvent bâclée, brouillonne, sans intérêt, voire fausse…

L’information à un coût. Il importe donc qu’elle ait un prix. Le prix de la qualité.