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La radicalité politique du Théâtre de l’opprimé
Article mis en ligne le 9 juin 2018
dernière modification le 8 juin 2018

Le théâtre de l’opprimé, plus souvent pensé sous la forme du théâtre-forum, est devenu l’un des passages obligés des mouvements sociaux, et même, au-delà, des happening soi-disant participatifs sous l’égide des entreprises ou des subventions publiques. À l’opposé de ses objectifs initiaux, nés du théâtre populaire brésilien et de ses apories, le théâtre de l’opprimé a été éreinté par des formes qui tiennent davantage de la communion (militante) ou du travail social. Dans cet article polémique, Sophie Coudray retrace la généalogie du théâtre de l’opprimé et relativise la place qu’a fini par y prendre le « forum », ces représentations publiques où les spectateurs sont invités à intervenir dans une scène d’oppression jouée par les acteurs.

La poétique de l’opprimé est en grande partie hostile à la forme spectaculaire ; c’est une poétique de l’atelier, de l’expérimentation, du processus plutôt que du produit achevé, exposable, commercialisable. Boal propose une méthode générale de transmission des techniques théâtrales à l’usage des subalternes, pour se réapproprier le temps de la pensée et l’espace d’expression des corps. Là réside toute la radicalité de ce théâtre : refuser le spectacle pour s’exercer à la politique.

Le Théâtre de l’opprimé, cette forme de théâtre militant élaborée par le metteur en scène brésilien Augusto Boal dans les années 1970, est souvent abordé par le seul prisme du théâtre-forum. Cette technique, qui appartient à ce que Boal appelle l’« arsenal » du Théâtre de l’opprimé, est de loin la plus populaire, la plus répandue, mais également la plus étudiée et, par conséquent, elle a été mise en exergue au point que sont apparues deux tendances, souvent corrélées. D’une part la tendance à réduire le Théâtre de l’opprimé à la seule technique du théâtre-forum ou bien à faire de celle-ci un modèle venant en synthétiser les principes et les enjeux. D’autre part, le théâtre-forum a été considéré comme une pratique militante, émancipatrice, sans que ne soit nécessairement prise en compte la poétique dans laquelle elle s’inscrit, c’est-à-dire le système théorique et artistique plus global qui en sous-tend l’ensemble. (...)

Cet article vise ainsi à proposer une autre approche du Théâtre de l’opprimé, à en faire une lecture qui se focalise non pas sur l’une de ses techniques, mais sur le fonctionnement global de sa poétique. Il s’agit pour cela de prendre à la lettre le projet qu’a été celui de Boal en 1974 lorsqu’il publie Teatro del oprimido y otras poéticas política, de faire du théâtre un lieu de la « répétition de la révolution2 ». C’est-à-dire de faire du théâtre un outil de lutte pouvant être placée entre les mains de ceux qui luttent, des opprimés. Pour ce faire, la poétique de l’opprimé s’organise autour d’un principe fondateur qui est la transformation du spectateur en acteur. (...)