
Travailler moins, gagner autant, profiter plus. Ces derniers mois, la semaine de 32 heures sur 4 jours, sans perte de salaire, a fait les gros titres des journaux en raison des nombreuses expériences conduites à l’étranger.
En Nouvelle-Zélande, en Suède, en Islande et même au Japon, des filiales de grands groupes comme Unilever ou Microsoft ainsi que de plus petites entreprises se sont momentanément essayés, avec le soutien de leurs gouvernements, à la semaine de quatre jours. À partir de 2022 et pendant trois ans, ce sera au tour de 200 entreprises espagnoles de tenter l’aventure. Pour accompagner le passage aux 32 heures (contre 40 aujourd’hui), les volontaires bénéficieront d’une aide financière étatique.
À gauche, la fin d’un tabou ?
« En France, la réduction du temps de travail était un sujet tabou depuis les lois Aubry sur les 35 heures [votées en 1998 et en 2000] Aujourd’hui, il revient petit à petit dans le débat public », se réjouit Pierre Larrouturou, député européen, candidat à la Primaire populaire et militant de la première heure pour cette nouvelle organisation du travail. De la semaine de 28 heures revendiquée par le Nouveau parti anticapitaliste à la semaine de 32 heures défendue par la France Insoumise et EELV, la quasi-totalité des partis classés à gauche remettent la question du temps passé à travailler au centre du jeu politique. (...)
« Grâce à notre capital technologique et intellectuel, on sait produire plus avec moins de travail humain, affirme le député européen. Il ne faut pas s’en servir pour faire perdurer un modèle basé sur la croissance qui ne rime à rien mais mieux répartir le temps de travail. » Selon l’Insee, 4,4 millions de personnes sont actuellement sans emploi [1] en France. (...)
Au regard des expériences déjà conduites, Pierre Larrouturou estime que le passage à la semaine de 32 heures permettrait de créer 1,6 million d’emplois [2]. Si le bilan des 35 heures reste l’objet d’un âpre conflit entre économistes, une étude de l’Inspection générale des affaires sociales dévoilée en 2016 concluait que le passage aux 35 heures avait entraîné la création de 350 000 emplois entre 1998 et 2002. (...)
à en croire Claude Prigent, le directeur et cofondateur d’Yprema, les avantages d’une telle organisation du travail sont multiples. Le salarié, avec un jour de repos supplémentaire, en est le premier gagnant mais l’entreprise y trouve aussi son compte. « Nos salariés travaillent 4 jours sur 5 mais on travaille 13 mois sur 12, explique-t-il. Ils travaillent individuellement moins mais les machines tournent, en valeur absolue, plus longtemps [8 heures 45 par jour au lieu de 8 heures, et ce 5 jours par semaine]. Cela nous a permis d’augmenter nos capacités de production de 12 % sur l’année. »
Doublement du personnel
En outre, le cadre de travail se trouve amélioré par la diversification des tâches. Tous les salariés sont formés à au moins deux activités différentes et travaillent en binôme, afin que l’un remplace l’autre le cinquième jour. À en croire ses cadres, la nouvelle organisation du travail explique en partie le doublement du personnel de la PME. Elle comptait 42 salariés en 1997 contre 90 aujourd’hui.
Ces échos positifs, on les retrouve aussi dans la bouche de Laurent de la Clergerie, chef d’entreprise qui a donné son nom à LDLC, société de commerce en ligne basée à Lyon comptant 800 salariés. « Depuis qu’on a fait le choix des quatre jours en janvier dernier, la tension est totalement descendue. Je ne peux pas affirmer que tout le monde soit content de venir au travail, mais maintenant, je vois des sourires à la fin de la semaine », dit-il.
Un constat confirmé par ses employés. (...)
Au regard des expériences déjà conduites, Pierre Larrouturou estime que le passage à la semaine de 32 heures permettrait de créer 1,6 million d’emplois [2]. Si le bilan des 35 heures reste l’objet d’un âpre conflit entre économistes, une étude de l’Inspection générale des affaires sociales dévoilée en 2016 concluait que le passage aux 35 heures avait entraîné la création de 350 000 emplois entre 1998 et 2002. (...)
À l’image des études conduites à l’étranger, les expériences françaises ne sont pas unanimes sur l’impact sur l’emploi. Si Yprema se targue d’avoir embauché, le président de LDLC assure « n’avoir eu besoin d’aucune main d’œuvre supplémentaire ». En revanche, la grande majorité des retours d’expériences attestent de l’impact nul voire positif sur les gains de productivité et de la diminution du stress ainsi que des risques d’épuisement professionnel. (...)
Moins travailler, une pratique écolo
Plus récemment, l’argument écologique est venu renforcer les convictions des défenseurs de la réduction du temps de travail. (...)
En cause, les « économies d’énergie » liées à l’absence du personnel dans les bureaux, la « réduction des déplacements » mais aussi l’utilisation de ce temps libre à des fins moins émettrices comme « la vie en famille », la « cuisine à la maison », le « jardinage », ou encore le « volontariat local ».
Pour en arriver à ces données, l’association a croisé les nombreuses études universitaires et sondages déjà réalisés sur ces questions. (...)
Une proposition évoquée à la Convention citoyenne pour le climat
L’argument écologique en faveur de la réduction du temps de travail est même sorti des rangs universitaires pour émerger au sein de la Convention citoyenne pour le climat. (...)
L’idée, qui a fait l’objet de vifs débats a néanmoins été refusée par deux tiers des votants. « Certains craignaient que ça ne bouleverse trop nos modes de vie, d’autres que ce ne soit pas une mesure écologiste en se disant que les gens profiteraient de leurs week-ends de trois jours pour partir en voyage en avion et consommer plus », se rappelle Rémy Dufour.
Pour Erwan Dagorne, médiateur à la Convention citoyenne, c’est surtout le parcours de cette idée au sein de la Convention qui est parlant (...)