
Le mouvement des Colibris, fondé par Pierre Rabhi, lance un appel, « Le chant des colibris », pour créer le monde de demain. Entretien avec deux des animateurs du mouvement, Cyril Dion et Mathieu Labonne.
(...) Reporterre - Qu’est-ce que « le Chant des colibris », l’appel que vous lancez ?
Cyril Dion - La situation est tellement grave aujourd’hui qu’on a besoin de rassembler des entrepreneurs, des artistes, des citoyens, mais aussi des élus pour construire un autre projet de société. Il faut arrêter les guerres de chapelles, les atermoiements. Si l’on veut que les responsables politiques prennent des mesures courageuses, il faut qu’un mouvement soutienne cet élan. Il faut que des millions de personnes qui d’ores et déjà s’impliquent dans propre quotidien disent à leurs élus que s’ils ne prennent pas des décisions courageuses sur le changement climatique, sur la crise de la biodiversité, sur les problèmes économiques et de solidarité avec les migrants etc… eh bien ils ne voteront pas pour eux !
On essaye de le faire de la façon la plus large possible en incluant d’autres ONG comme la Fondation de Nicolas Hulot, Emmaüs, le collectif des Jours heureux. On a tenu à ce que chacun soit présent aux campagnes des autres pour montrer que c’est qu’un seul et même mouvement dans une diversité qui va dans le même sens.
Vous voulez peser politiquement dans la campagne présidentielle. Trois candidats manifestent clairement leur analyse et leur programme en matière d’écologie. Comment vous situez-vous par rapport à eux ?
Mathieu Labonne - Déjà, on est content que ces sujets soient au centre des programmes de plusieurs candidats. Et, que les gens commencent à comprendre que ces sujets sont une clé de voûte pour beaucoup d’autres choses. Il faut le soutenir. Mais en tant que mouvement citoyen, nous ne sommes pas en position d’appeler à voter pour un candidat donné.
Quel rôle peut-on avoir ? Comment être utile pour que ces idées passent, indépendamment du candidat ? On accompagne les citoyens qui agissent localement, pour qu’ils comprennent mieux les sujets, aient mieux conscience d’où sont les vrais leviers. Parce que les gens ne font pas forcément le lien entre les leviers politiques et leur quotidien. On peut parler « d’éducation populaire », c’est-à-dire réinventer une façon pour le citoyen de s’intéresser à une politique qui va changer sa vie.
C’est un enjeu pour cette campagne de dire : voilà ce qu’il y a derrière tel ou tel levier qui vous est proposé, par exemple derrière le revenu de base ou la politique agricole commune, et voilà ce qu’on pourrait vraiment faire.
Si vous vous êtes des millions à avoir compris ça, c’est une force qui ne s’arrêtera pas quelque soit le résultat de l’élection. Et si un président n’a pas fait une campagne sur ces enjeux là et n’y croit pas trop, il aura en face des citoyens qui se mobiliseront et sauront peu à peu orienter les choses.
Nous faisons le constat et de notre incapacité à changer fortement une élection et de notre force à influencer globalement la société. (...)
Cyril Dion - Sur les trois candidats dont on parle, plusieurs ont été fortement influencé par le travail qu’un certain nombre d’entre nous menont depuis des années. Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ont demandé à me rencontrer après avoir vu Demain. Depuis 2012,Jean-Luc Mélenchon a été influencé par Nicolas Hulot et par tout un tas de lectures. Benoît Hamon a été influencé par le mouvement de l’économie sociale et solidaire et par le mouvement qui porte le revenu de base depuis des années. Donc, le travail de ce mouvement d’éducation populaire a fait que les idées infusent dans la société et a déjà une influence dans l’élection.
Après, l’impact qu’aimeraient avoir tous les mouvements engagés avec nous, c’est de provoquer un rassemblement. On appelle les candidats qui portent ces sujets à s’unir. La situation n’est-elle pas suffisamment grave pour qu’on arrête les logiques de chapelles ? Si l’on prenait les fondamentaux écologiques, sociaux et économiques des différents programmes, on serait en mesure de créer le programme le plus écologique et le plus socialement avancé qu’on a jamais eu. (...)
Les Colibris ont longtemps été vus comme un mouvement qui ne proposait que des trucs locaux. Là, on essaye de faire le lien en montrant que les choses sont interdépendantes. Il faut pouvoir relier une transformation de la fiscalité, le revenu de base, la création monétaire, la démocratie, à ce qu’on fait au quotidien dans nos actions, et pouvoir marcher sur ces deux jambes. Ce n’est pas en faisant juste des jardins partagés que cela va changer. (...)
Il faut marcher sur deux jambes : résister et créer. On a toujours manifesté du soutien pour les personnes qui mènent ce type de luttes, comme à Notre-Dame-des-Landes. Mais nous, on est plutôt sur la jambe Créer. (...)
énormément d’artistes et de chanteurs se sont engagés avec nous. On organise une tournée de concerts avec une quarantaine d’artistes. Chanter ensemble est fondamental aujourd’hui dans une société qui a tendance à fragmenter, à opposer les gens. Chanter ensemble, c’est une espèce de communion. Et la culture a un rôle fondamental à jouer pour réinventer l’imaginaire, pour parler aux gens à l’étage émotionnel et pas seulement intellectuel. Dans la lignée de Pierre Rabhi, on a toujours cherché à ne pas être simplement militant, mais à apporter un peu de poésie
Mathieu Labonne - Le Chant des Colibris, c’est l’ensemble de toutes ces actions menées partout dans le monde. C’est un chant qui appelle le monde de demain, comme si il y avait un signal faible. Il faut arriver à écouter un colibri. Un colibri est petit, il ne fait pas beaucoup de bruit, mais si on sait écouter ce chant, on sait que le monde de demain est possible.