
De Lille à Toulouse, en passant par Lyon, Paris, Nantes et Massy, neuf librairies féministes ont reproduit la vitrine censurée par la police à Nice, en signe de solidarité. Mais ce soutien n’essaime pas vraiment dans le reste du secteur du livre.
Il y a un peu moins d’une semaine, la librairie Les Parleuses, à Nice, subissait la censure de sa vitrine par la police, à l’occasion d’une visite du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Les libraires Maud Pouyé et Anouk Aubert avaient décidé d’afficher avec le collectif de colleuses niçois différents messages féministes sur leur devanture : « Qui sème l’impunité récolte la colère », « Violeurs on vous voit, victimes on vous croit », pour interpeller sur la prise en charge des violences sexistes et sexuelles, ainsi que « Sophie on te croit », adressé à la femme qui accuse Gérald Darmanin lui-même de viol. (...)
Dans la vitrine, aussi, l’ouvrage d’Hélène Devynck, Impunité, consacré aux accusations contre Patrick Poivre d’Arvor – deux jours plus tôt, la librairie avait reçu l’autrice pour une soirée de rencontre. Mais juste avant l’arrivée du ministre, une quinzaine de CRS et de policiers sont venus dissimuler les collages à l’aide de bâches et de tasseaux de bois, sans aucun cadre ni base légaux. Les Parleuses n’a pu rouvrir normalement qu’après le départ du ministre.
Aujourd’hui 15 décembre, neuf librairies féministes, un peu partout en France, ont décidé de réagir en reproduisant en leurs propres murs la vitrine censurée. Sous le mot d’ordre "On ne nous bâchera pas, on ne vous lâchera pas », L’Affranchie à Lille, la Librairie à soi.e à Lyon, Les Bien aimé.e.s à Nantes, Au bonheur des dames à Toulouse, l’Arborescence à Massy ainsi qu’Un livre et une tasse de thé, Le Genre urbain, Le Comptoir des mots et Majo à Paris ont souhaité montrer leur solidarité avec leurs consœurs niçoises." (...)
De son côté, le Syndicat de la librairie française a témoigné son soutien aux deux libraires niçoises par téléphone, et diffusé, le 15 décembre, un courrier auprès de ses adhérents libraires, affirmant que « les librairies sont des lieux de liberté. Elles doivent le rester coûte que coûte et chacun doit y veiller, à commencer par les responsables publics. » En revanche, le Centre national du livre – qui se donne pour mission l’accompagnement et le soutien de tous les acteurs de la chaîne du livre – n’a fait aucune communication sur le sujet. (...)
Le volet judiciaire de l’affaire est en marche : Lorraine Questiaux, l’avocate des Parleuses, a déposé mardi 13 décembre au tribunal administratif de Nice un recours pour excès de pouvoir, visant à obtenir « l’annulation de l’acte » – l’opération de police qui a masqué les vitrines. « Ce serait évidemment symbolique, explique-t-elle, mais c’est très important juridiquement. L’État de droit n’existe que si les actions de l’État et du pouvoir politique sont contrôlées, c’est à cela que sert le juge administratif. » (...)