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LA PLUME D’UN ENFANT DU SIÈCLE
Lactalis et le système meurtrier
Article mis en ligne le 26 janvier 2018

Voilà plusieurs mois que notre pays est frappé par un scandale sanitaire. 35 nourrissons ont en effet été malades après avoir bu du lait infantile produit par Lactalis, le géant laitier numéro un mondial. Ledit lait était contaminé par des salmonelles et les nourrissons ont dû être hospitalisés. Il est absolument dramatique de constater que la vie de personnes très vulnérables a été mis en jeu pour de sombres questions mercantiles – nous y reviendrons. Cette crise Lactalis a agi comme une véritable onde de choc sur le milieu laitier, de nombreux producteurs craignant un effet « vache folle » sur les produits laitiers et une forte baisse de leur consommation.

Cette crise, si elle concerne avant tout les questions sanitaires, permet de jeter une lumière crue et puissante sur le milieu du lait. Elle a effectivement mis en évidence les relations de dépendance qui existaient entre les producteurs laitiers et les grandes entreprises qui leur achètent leur production en même temps qu’elle souligne la situation catastrophique et dramatique dans laquelle se trouve la filière. Plus largement, ce qu’il convient désormais d’appeler le scandale Lactalis devrait nous permettre d’entamer un vrai débat de fond sur le modèle agricole que nous souhaitons. Celui qui est actuellement en place ne saurait, en effet, perdurer très longtemps.

L’argent contre les gens

Il faut tout d’abord revenir sur le scandale sanitaire actuel qui a mis la vie de nourrissons en danger. Comment résumer ce scandale sinon en affirmant que l’ensemble des acteurs concernés ont fait le choix de l’argent contre les gens ? De Lactalis aux magasins de la grande distribution en passant par l’Etat qui, par la voix de Bruno Le Maire, fait preuve d’une odieuse tartufferie, tous ont préféré la logique du profit ou de la baisse des dépenses à la sécurité alimentaire de nos concitoyens, y compris les plus fragiles. Il est effectivement bien trop facile de s’excuser platement ou de faire les gros yeux une fois que l’on est pris la main dans le sac. Il aurait été plus utile, courageux et honnête d’agir avant que le pot aux roses soit découvert. Les actes de contrition forcés et autres remontrances qui relèvent plus de la communication qu’autre chose ne valent rien en regard de la responsabilité qui est la leur dans ce scandale.

Parce qu’il nous faut dire les choses clairement et rappeler la chronologie des faits. Si les premiers nourrissons tombés malades l’ont été en septembre, la genèse de ce scandale remonte à un mois plus tôt, en août.

Lactalis a effectivement effectué des tests ce mois-ci dans son usine de Craon en Mayenne où ont été produits les laits infantiles, tests qui y ont révélé la présence de salmonelle. Toutefois lesdits contrôles ne sont pas rendus publics par le géant laitier, sans doute par peur d’avoir à rappeler un nombre important de lots. Première victoire de l’argent face à la santé. Lorsqu’après deux premières décisions de retrait des produits le gouvernement exige le retrait immédiat de tous les produits Lactalis produits dans l’usine de Craon le 21 décembre, plusieurs enseignes de grandes distributions continuent à commercialiser les produits incriminés. Deuxième victoire de l’argent contre la santé. Au-delà de ces deux victoires, il en est une troisième sans doute plus grave encore. Lorsque Bruno Le Maire a fustigé les pratiques de Lactalis et de la grande distribution il a dû être frappé d’amnésie. C’est en effet lui qui, ministre de l’Agriculture, a réduit de façon drastique le nombre de contrôleurs sanitaires. Il semble découvrir aujourd’hui que s’il y a moins de contrôleurs, les contrôles seront moins efficaces. La logique de rentabilité et de gérer l’Etat comme une entreprise finit par aboutir à ce genre de scandale. (...)

e scandale Lactalis déborde allègrement du simple cadre sanitaire. Celui-ci pose en effet des questions lourdes sur la structure du système laitier et plus largement du système agricole. A l’heure où les suicides se multiplient dans le monde des agriculteurs, il est plus que temps d’avoir un débat profond sur le modèle que nous souhaitons adopter. La chute des revenus des producteurs laitiers – et l’on pourrait élargir la question à l’ensemble des agriculteurs – n’est pas un évènement fortuit dû à un quelconque hasard mais bel et bien la conséquence d’une politique agricole totalement absurde de la part de l’Union Européenne. (...)

. Il est temps de repartir à l’offensive contre cet empire qu’est le capitalisme néolibéral financiarisé. « Au cœur le plus sombre de l’histoire, écrit Camus dans Prométhée aux enfers, les hommes de Prométhée, sans cesser leur dur métier, garderont un regard sur la terre, et sur l’herbe inlassable. Le héros enchaîné maintient dans la foudre et le tonnerre divins sa foi tranquille en l’homme. C’est ainsi qu’il est plus dur que son rocher et plus patient que son vautour. Mieux que la révolte contre les dieux, c’est cette longue obstination qui a du sens pour nous. Et cette admirable volonté de ne rien séparer ni exclure qui a toujours réconcilié et réconciliera encore le cœur douloureux des hommes et les printemps du monde ». Soyons des Prométhée, il n’y a que ça qui vaille.