
Grandes consommatrices d’énergie, les technologies de l’information ont un coût environnemental qui n’a rien de virtuel. Spécialistes en informatique, Jean-Marc Pierson et Laurent Lefèvre nous expliquent en quoi consiste cette pollution.
Du commerce à l’énergie en passant par la finance, la santé, le transport, la culture et même la science, les données numériques représentent pour beaucoup le pétrole du XXIe siècle. Chaque jour, l’industrie du Big Data se fait plus grosse, représentant déjà plus de 4 millions d’emplois directs dans le monde ! Mais il y a une donnée que nous avons peut-être oubliée en route : tout a un coût. Et celui du Big Data est écologique. Derrière cette informatique virtualisée, distribuée et distante, se trouvent, en effet, des infrastructures bien réelles qui ont une consommation énergétique et un impact carbone forts. N’ayons pas peur des mots : oui, le Big Data pollue. (...)
Des infrastructures pharaoniques
Mais reprenons du début. Le Big Data (ou « mégadonnées » en français) désigne tout à la fois la faculté de produire ou de collecter des données numériques, de les stocker, de les analyser et de les visualiser. Il est très souvent défini par ses caractéristiques liées aux « 3V » (volume, variabilité, vélocité) : les données arrivent en masse, notamment avec l’arrivée conjointe de l’Internet des objets, à une vitesse sans précédent et sont de nature plus variées que par le passé. En 2015, le patrimoine mondial de données atteindra 8 zétaoctets (1021 octets). Des infrastructures pharaoniques sont donc déjà nécessaires pour stocker cette avalanche de données, mais il faut y ajouter celles pour les traiter. L’analyse de données, provenant d’observations de l’environnement, d’expériences scientifiques ou encore de données marketing, nécessite des moyens de calcul très importants, concentrés dans des grands centres et des supercalculateurs. (...)
Alors, en arriverons-nous un jour au scénario (provocateur) de la société Cisco, dans lequel seules certaines machines auront le droit de communiquer (celles qui ont une adresse IP paire par exemple), à l’instar de la circulation alternée utilisant les plaques minéralogiques des voitures ? Fort heureusement, une multitude de réponses et d’alternatives se mettent en place. Des codes de conduites sont proposés aux industriels et aux hébergeurs pour améliorer leurs infrastructures de calcul, de communication et de stockage à grande échelle. Des innovations sont appliquées sur le design des équipements et leur potentialité de recyclage. Des recherches sur l’efficacité énergétique proposent de nouvelles voies pour limiter ces impacts. Autant d’initiatives indispensables si l’on veut pouvoir contenir la demande énergétique croissante de ces infrastructures tout en garantissant une bonne qualité de service aux utilisateurs. (...)
Le Big Data est la ruée vers l’or des temps modernes. Comme sa glorieuse aînée, elle draine beaucoup d’espoirs – fondés ou non – et pose d’importants problèmes tout en permettant le développement de nouveaux territoires. Il nous appartient de veiller à ce que le coût environnemental de ces technologies soit contrebalancé – au moins en partie – par des progrès dans la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution.