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Mediapart
Le CDI revient en force mais les chômeurs longue durée restent à quai
Article mis en ligne le 25 juillet 2021

Le gouvernement se félicite du nombre record d’embauches en CDI au mois de juin. Derrière cette bonne nouvelle se cache une réalité plus effacée : le chômage de longue et très longue durée s’envole. Si la reprise profite aux uns, d’autres s’éloignent toujours plus du retour à l’emploi.

(...) 406 908 déclarations préalables à l’embauche pour des contrats à durée indéterminée ont effectivement été enregistrées en juin. Du jamais vu depuis 2006, point de départ du baromètre de l’Urssaf. Sur un an, la hausse est de 39 %. Elle est moins spectaculaire, +11 %, si l’on compare au niveau d’avant-crise, en février 2020 (référence choisie par l’Urssaf dans sa publication).

Beaucoup de CDI. Encore plus de CDD. En juin 2021, 430 470 déclarations préalables à l’embauche ont été effectuées pour des contrats à durée déterminée de plus d’un mois, hors intérim. Une augmentation de près de 17 % par rapport au niveau d’avant-crise.

« La reprise est très dynamique », en conclut la ministre du travail, insistant sur le caractère inédit des indicateurs. (...)

Depuis le début de l’année 2021, deux autres records ont été battus, dans le plus grand des silences. D’abord en janvier, où le cap des 50 % de chômeurs de longue durée, inscrits à Pôle emploi, a été franchi. Désormais, selon les chiffres de la Dares, la moitié des demandeurs d’emploi des catégories A à C (sans aucune activité et en activité réduite) sont inscrits depuis plus d’un an à Pôle emploi.

Pire : plus la durée d’inscription s’allonge, plus la jauge augmente. Les inscrits de très longue durée – deux ans et plus – représentent désormais près du tiers (28 %) des chômeurs. Quant aux inscrits depuis trois ans et plus, ils sont à présent... plus d’un million. +8 % par rapport à février 2020, avant la crise. En mai 2021, un chiffre historique a été atteint dans cette catégorie. Sans tumulte ni indignation.

Si la « dynamique » et « la reprise » profitent aux uns – et c’est heureux –, d’autres stagnent et s’éloignent toujours plus du retour à l’emploi. Un postulat confirmé par cette récente publication de Pôle emploi. « Le taux d’accès à l’emploi augmente au fur et à mesure des mois, mais le rythme d’augmentation mensuelle décline fortement à mesure que la date d’inscription s’éloigne », constate l’opérateur. (...)

La publication s’intéresse au profil des personnes ayant retrouvé du travail et à leur date d’inscription. La conclusion est nette : les inscrits de mars 2020 s’en sortent mieux, et plus rapidement, que les inscrits de mars 2019.

« Cette forte progression du taux d’accès [à l’emploi] de cette cohorte est à mettre au regard de la composition des inscrits », analyse Pôle emploi. Lequel note « une proportion plus forte de diplômés (31 % de personnes ayant au moins un niveau bac+2 contre 28 % dans la cohorte de mars 2019) et de personnes inscrites suite à démission, fin de CDD ou mission d’intérim qui accèdent plus facilement à un emploi. »

« C’est extrêmement inquiétant, commente Sabina Issehnane, maîtresse de conférences en économie à l’université de Paris. Les plus fragiles ne font pas partie de la reprise. Ils continuent de souffrir. Et comme d’habitude, pour le gouvernement, le problème, c’est le chômeur. Le chômeur pas motivé, le chômeur qu’il faut “remobiliser”, comme ils disent. » (...)

Spécialiste des télécoms depuis 40 ans et « pionnier de la fibre optique », Marc a travaillé pour une multitude d’entreprises. Salarié, auto-entrepreneur, public, privé : il a tout testé. Il ne pense pas souffrir d’un déficit de compétences.

« C’est l’âge, le frein phénoménal. À partir de 45 ans, vous commencez déjà à passer pour un “has been”. Et à 60 ans, vous êtes fini. Même une petite mission d’audit ou de conseil, vous ne trouvez pas. »

Marc subsiste aujourd’hui avec 800 euros d’indemnités-chômage. Ses allocations ont été calculées sur son dernier emploi (...)

Marc scrute les annonces à la loupe. « Les patrons sont exigeants. Ils cherchent des couteaux suisses. Des gens diplômés, jeunes, calés dans leur domaine et qui devront aussi passer le balais en sortant », ironise-t-il. (...)

Dans un an, ses maigres indemnités mensuelles vont s’interrompre. L’entrée dans le chômage longue durée l’angoisse. « Ça me déprime, ça me rend malade, ça me diminue physiquement, souffle-t-il, soudain plus sombre. Je me sens déclassé et en perte de confiance. »

Selon une information des Échos, confirmée par plusieurs sources à Mediapart, un plan pour les chômeurs de longue durée est en préparation au ministère du travail et en attente d’arbitrage de Matignon. Il impliquerait, selon le quotidien, « des moyens supplémentaires pour Pôle emploi ».

« On entend aussi Élisabeth Borne parler de développer la formation professionnelle pour les chômeurs de longue durée, ajoute Sabina Issehnane, membre des Économistes atterrés. Oui, il faut de la formation mais il est nécessaire de régler le problème de la file d’attente ! Il faut créer des emplois publics dans des domaines essentiels, comme l’urgence climatique. La file d’attente doit diminuer. Sinon, ceux qui sont en dernière position le resteront. Et ne trouveront pas d’emploi. »