
Cela fait quelques temps que l’on commence à entendre parler du Confédéralisme démocratique au Kurdistan. Il s’agit d’une proposition politico-sociale appliquée au contexte du Moyen-Orient qui ne cherche pas à imposer des États-nations indépendants. Nous avons pris contact avec le blog Solidaridad Kurdistán afin de mieux comprendre ce tournant historique d’un mouvement de libération nationale qui a maintenant 35 années d’existence derrière lui
Le titre de la publication originale de cette interview est ‟Le Confédéralisme démocratique, proposition libertaire du peuple kurde‟. Nous ne l’avons pas repris tel quel car, non seulement ce n’est pas une proposition ‟du” peuple kurde mais d’un courant politique de libération nationale et sociale, important certes, mais qui n’en est qu’une tendance, et que, d’autre part, le terme ‟libertaire”, plus encore en français qu’en espagnol, équivaut à ‟anarchiste”, ce dont il n’est pas question ici, même si l’on y trouve des références évidentes au moins implicites. Pour éviter les querelles sémantiques et idéologiques qui nous semblent très secondaires, nous avons opté pour un qualificatif plus ‟neutre” mais plus ouvert afin, espérons-le, que la proposition politique que ce mouvement désigne comme Confédéralisme démocratique soit d’abord appréhendée pour ce qu’elle est ou veut être, avec son langage, son histoire et contexte, ses références et ses catégories.
Elle mérite en tous cas d’être connue et discutée. Et peut-être pas seulement abstraitement.
Quelle que soit l’appréciation qui peut en être faite ou le degré d’intérêt qu’elle provoque, une chose est sûre : cette proposition portée par la gauche kurde dans le contexte actuel des différents conflits du Moyen-Orient (le conflit syrien, le conflit turco-kurde, et plus généralement la lente mais irrésistible émergence du Kurdistan sur la scène régionale et les fractures que cette onde de choc provoque) apparait bien comme un ensemble d’éléments en rupture salutaire avec l’ordre et les désordres établis, les conceptions traditionnelles de la politique, de la ‟démocratie”, de la nation, le caractère prétendument ‟inéluctable” de l’horizon capitaliste, les États en place, leurs régimes, leurs frontières immuables, tous produits de l’histoire, et singulièrement de l’histoire coloniale, et qui n’ont pas vocation à demeurer figés et congelés dans une histoire qui est, par définition, tout sauf immobile. (...)
Ce système ne vise pas la création d’un État-nation kurde, mais la création d’une nation démocratique, dont la base est la société civile organisée de manière autonome et démocratique, dont le centre de l’autogestion politique est constitué par les assemblées des communautés et les conseils ouverts locaux, régis par la démocratie directe. Ceux-ci, librement confédérés et réunis en congrès généraux, avec des fonctions de coordination, formeront la nation démocratique du Kurdistan.
Dans le domaine économique, le Confédéralisme démocratique vise un système qui permette à la fois une répartition juste des ressources et la préservation de l’environnement, et rejette donc le capitalisme, en optant pour un socialisme démocratique où les ressources appartiennent au peuple et où l’économie est axée sur le bien social et non sur l’accumulation du capital et le consumérisme, provoquant autant d’injustices sociales que de grandes dévastations des milieux naturels.
La libération des femmes est un autre pilier du Confédéralisme démocratique, qui vise à créer une société sans sexisme, aussi bien celui qui vient de la société traditionnelle patriarcale, des interprétations religieuses sexistes que celui qui vient de la marchandisation des femmes par la modernité capitaliste. (...)