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Le FMI nuit aux pays qu’il prétend aider
Article mis en ligne le 19 septembre 2019
dernière modification le 18 septembre 2019

les pays riches ont aussi un pouvoir considérable sur la vie de milliards de personnes en contrôlant les institutions de la gouvernance mondiale. L’un d’eux est le Fonds monétaire international. Celui-ci compte 189 pays membres, mais les Etats-Unis et leurs alliés des pays riches disposent d’une solide majorité en matière de droits de vote au sein de l’organisme. La tradition veut que le chef du FMI soit un Européen, et les États-Unis disposent à eux seuls de suffisamment de voix pour opposer leur veto à de nombreuses décisions importantes – bien que les pays riches ne votent presque jamais les uns contre les autres.

Pour voir à quoi ressemble le problème, observons un prêt récemment octroyé par le FMI. En mars, l’Équateur a signé un accord pour emprunter 4,2 milliards de dollars au FMI sur trois ans, à condition que le gouvernement adhère à un programme économique spécifique énoncé dans l’accord. Selon Christine Lagarde, alors directrice générale du FMI, il s’agissait ” d’un vaste programme de réforme visant à moderniser l’économie et à ouvrir la voie à une croissance forte, soutenue et équitable “.

Mais est-ce vraiment le cas ? Le programme prévoit un resserrement considérable du budget national – environ 6 % du PIB au cours des trois prochaines années. (À titre de comparaison, imaginez un resserrement du budget fédéral américain de 1,4 billion de dollars, résultat d’une réduction des dépenses et d’une augmentation des impôts). En Équateur, il s’agira notamment de licencier des dizaines de milliers d’employés du secteur public, d’augmenter les impôts qui pèsent de manière disproportionnée sur les pauvres et de réduire l’investissement public.

Le résultat de cet important resserrement budgétaire sera d’entraîner l’économie dans la récession. Le FMI prévoit une récession relativement modérée jusqu’à l’an prochain, mais elle sera probablement beaucoup plus profonde et plus longue, comme c’est souvent le cas avec les programmes du FMI. Le chômage augmentera – même les projections du programme du FMI le reconnaissent – tout comme la pauvreté.

L’une des raisons pour lesquelles le programme s’avérera probablement bien pire que ce que prévoient les projections du FMI est que celui-ci repose sur des estimations qui ne sont pas crédibles. (...)

Le programme vise également à remodeler l’économie d’une manière qui, aux yeux de nombreux Équatoriens, pourrait paraître politique. L’autonomie de la Banque centrale sera accentuée, les actifs publics seront privatisés et le droit du travail sera modifié de manière à donner aux employeurs un pouvoir sans entraves sur les travailleurs. Certains de ces changements – par exemple la séparation entre la Banque centrale et les autres instances décisionnelles du gouvernement – rendront la reprise économique encore plus difficile.

Tout cela se déroule sous un gouvernement qui, alors qu’il avait été élu en 2017 sur un programme de continuité, cherche à inverser une décennie de réformes politiques. Pourtant, ces réformes avaient été, selon divers indicateurs économiques et sociaux, couronnées de succès. La pauvreté a été réduite de 38 % et l’extrême pauvreté de 47 % ; les investissements publics – notamment pour les hôpitaux, les écoles, les routes et le secteur énergétique – ont plus que doublé en pourcentage de l’économie. Mais le gouvernement précédent était un gouvernement de gauche qui montrait plus d’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis (en fermant, par exemple, la base militaire américaine présente dans le pays).

On peut imaginer la tournure que vont prendre les évènements, alors que le gouvernement de Trump acquiert un énorme pouvoir en Équateur non seulement grâce au prêt de 4,2 milliards de dollars du FMI, mais aussi grâce aux 6 milliards de dollars octroyés par des institutions multilatérales basées à Washington, telles que la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement. (Le montant total représente environ 10 % du PIB annuel de l’Équateur, ce qui équivaudrait à plus de 2,1 billions de dollars aux États-Unis).

En fait, nous n’avons pas besoin d’imaginer grand-chose, puisque le nouveau président, Lenín Moreno, s’est sagement aligné sur la politique étrangère et économique de Trump dans la région. Parallèlement, son gouvernement s’est mis à persécuter son prédécesseur, l’ex président Rafael Correa, avec de fausses accusations lancées l’année dernière (...)

Comme Washington contrôle les prises de décisions du FMI pour cet hémisphère, l’administration américaine et le Fonds sont impliqués dans la répression politique ainsi que dans la tentative plus large de reconvertir l’Équateur dans le type d’économie et de politique que Trump et Pompeo voudraient voir, bien qu’il soit clair que la plupart des Équatoriens n’aient pas voté pour ce genre de programme.

Tout cela confirme la nécessité de mener une réforme sérieuse du FMI, en commençant par en faire une institution plus multilatérale que ce qu’elle ne prétend l’être aujourd’hui (...)

Dans les prochaines semaines, le FMI choisira très certainement un nouvel Européen aisé et blanc à la tête de l’institution. Les membres progressistes du Congrès [états-unien] qui se soucient de l’impact de la politique étrangère américaine sur le reste du monde, devraient soutenir quelques demandes de réformes au sein de cette institution.