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Le Forum social mondial et sa gouvernance : le monstre à cent têtes
Article mis en ligne le 30 avril 2013
dernière modification le 27 avril 2013

Le 12ème Forum social mondial (FSM) vient d’avoir lieu à Tunis, deux ans après le ‘printemps arabe’ qui a renversé l’ancien régime et mis en place un gouvernement dirigé par Ennahda (‘mouvement de la renaissance’), un parti politique islamiste.

Le succès fut réel, en termes de participation et en termes politiques. Les jeunes de la région étaient massivement présents, les tunisiens ont ressenti que la solidarité internationale avec leur révolution fut concrète, et les participants ont pu constater que le FSM a su récupérer le meilleur de ses expériences passées.

C’était bien nécessaire ! Car les participants internationaux, venus essentiellement d’Europe et d’Amérique latine étaient plutôt sceptiques sur l’avenir du processus. De plus, ce FSM était suivi d’une réunion de son Conseil International où justement l’avenir de la gouvernance du FSM était à l’ordre du jour. Le succès du FSM2013 a barré la route à ceux qui voulaient en finir du conseil international, voire du processus lui-même. Ceci dit, rien n’est réglé, tout reste à (re)faire.

La question de savoir comment est gouverné le FSM n’est pas facile à répondre. Le FSM est un ‘espace ouvert’ ce qui veut dire qu’il n’a pas de dirigeants, qu’il n’est pas représentatif et qu’il est ouvert à tous ceux et toutes celles qui acceptent sa charte de principes. Il ne consiste que d’événements auto-organisés.

Cependant, ce principe d’horizontalité (CI), contraire aux hiérarchies, est battu en brêche par des structures relativement lourdes qui ont été créées au cours de la dernière décennie.

D’abord, il y a son conseil international, à l’origine un séminaire de leaders de mouvements sociaux et d’intellectuels actifs au niveau mondial. Ses réunions étaient confidentielles. Très vite, il fut perçu comme étant élitiste, se réunissant dans des hôtels 5 étoiles. Sa tâche était de définir la stratégie du FSM.

Après le FSM de Mumbai en 2005, une première restructuration fut envisagée et son objectif était formulé comme étant la promotion et l’expansion du processus FSM en lui donnant une visibilité majeure et en le définissant comme processus et non plus événement.

L’expansion se fit surtout au niveau du CI lui-même qui est devenu entretemps un organe de plus de 150 membres, avec six commissions, un comité de liaison restreint et des groupes de travail à tout va.

En termes politiques néanmoins, il perdit le pouvoir. Celui-ci passa d’abord à un secrétariat établi à Sao Paulo qui fit le travail quotidien et garda le contrôle sur l’ensemble du processus. Mais à Mumbai émergea également un comité d’organisation local qui contesta le pouvoir du secrétariat brésilien.

Aujourd’hui, en 2013, force est de constater que le pouvoir majeur est effectivement entre les mains du comité d’organisation maghrébin et qu’une nouvelle instance a été créée au Brésil – le GRAP : Grupo de Reflexion y de Apoyo al Proceso del FSM – dont personne ne connaît la composition ni l’influence réelle. Le secrétariat a été abandonné et le CI est devenu un navire sans gouvernail.

Un débat nécessaire

Face à une telle gabegie, un débat urgent s’imposa, surtout que chez plusieurs membres du CI une impression d’abandon s’installa. En effet, pour les dernières réunions du CI, il y avait à peine un agenda concret. Le comité de liaison qui aurait dû être renouvelé en 2012, fut en fait dissout. Les différentes commissions du CI ne fonctionnent plus, la commission stratégie étant monopolisée par un seul membre…

Le débat organisé à Tunis, dans un contexte d’enthousiasme et d’optimisme, était donc le bienvenu. (...)

Beaucoup de questions restent ouvertes. Si le FSM veut survivre – ce qu’après le succès de Tunis tout le monde souhaite – il faudra repenser sa gouvernance. Si le CI veut survivre, il devra se recomposer et se démocratiser. Si le FSM veut répéter ses succès, il faudra s’organiser sur les lieux où les mouvements sociaux en ont un besoin et sont impliqués directement dans sa programmation.

Un CI où les mouvements sociaux grands et petits, y compris les syndicats, se sentent chez eux pour discuter de la politique et de la stratégie à suivre, pourrait donner une orientation intellectuelle au FSM. A côté des forums thématiques qui sont déjà organisés, le CI pourrait proposer aux comités d’organisation de se concentrer sur un petit nombre de thèmes sur lesquels des événements pourraient être organisés. Il ne s’agirait d’aucune façon d’imposer une ’ligne politique’, mais de faire émerger les grands courants de pensée différents à propos de certaines thématiques. Cela pourrait aider les mouvements présents au FSM de s’inspirer et de mieux préparer leurs propres séminaires.

L’espace ouvert est une belle idée, mais elle n’a que peu de sens si elle mène à la juxtaposition sans plus d’un nombre illimité et souvent chevauchants de thématiques.

Douze ans après Porto Alegre, la pertinence de l’initiative des fondateurs du FSM se confirme. Aujourd’hui, le temps est venu de rénover la formule et de tout faire pour ne pas la dilapider. Le temps est venu pour ouvrir l’espace aux nouvelles générations et d’en faire un espace stratégique de réflexion et d’action.