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Le JT de France 2 : un pot-pourri de faits divers et de divers faits
Article mis en ligne le 15 février 2014
dernière modification le 10 février 2014

En octobre 2013, nous étions revenus sur une étude de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) qui mettait en évidence, entre 2003 et 2013, une augmentation de 73 % du nombre de sujets consacrés chaque année aux faits divers dans les journaux télévisés des grandes chaînes généralistes [1].

Même si ce résultat corrobore l’expérience des téléspectateurs du JT, le mode d’analyse retenu par l’INA ne nous semblait à même de rendre compte ni du poids réel des faits divers (évalué à seulement 6 %), ni d’autres évolutions éditoriales majeures – comme la présence de plus en plus envahissante de sujets dits « magazine » – du canal d’information privilégié d’une majorité de Français. Aussi, nous avons procédé à notre propre enquête en relevant et en minutant le sommaire des 20h de France 2 entre le 8 et le 22 janvier. Avec des résultats édifiants. (...)

les résultats que nous avons obtenus en classant dans un nombre plus limité de rubriques les 282 sujets des quinze JT observés, représentant 564 minutes d’informations :

 Faits divers et sport : 26 % de l’ensemble des sujets
 Questions économiques et sociales : 18,5 %
 Faits de société : 17 %
 Politique : 14,5 %
 International : 11 %
 Magazine : 9 %
 Culture : 4 %

Beaucoup plus significatif pour appréhender leur poids respectif, voici maintenant le temps d’antenne qu’elles ont occupé :

 Faits divers et sport : 20 %
 Faits de société : 20 %
 Questions économiques et sociales : 20 %
 Magazine : 14 %
 Politique : 11 %
 International : 7,5 %
 Culture : 6 %
(...)

 Les faits divers, le sport et les sujets magazine (qui sont aussi à leur manière des faits divers…) ont représenté plus du tiers des JT au cours de ces deux semaines. À elles-deux ces rubriques pèsent presque autant que les rubriques « questions économiques et sociales », « politique » et « international » réunies. En ce sens, elles font bien diversion au sens où l’entendait Pierre Bourdieu, c’est-à-dire qu’elles prennent indûment la place de questions et d’enjeux d’intérêt public.

 La parité de durée entre les rubriques « questions économiques et sociales » et « faits de société » illustre encore la pauvreté informative des JT de France 2. (...)

 Amputés des faits divers et des sujets magazine, la rubrique « international » est ramenée à bien peu de choses. Ainsi maltraitées et donc mal connues du public, les questions internationales demeurent rebutantes pour le téléspectateur, pour l’audimat et donc pour la chefferie éditoriale…

 Enfin, le poids significatif de la rubrique culture (4 % des sujets ; 6 % de la durée totale des JT) est trompeur. Deux entretiens en plateau avec Bernard Pivot et Isabelle Huppert (qui auraient tout aussi bien pu être considérés comme des sujets « magazine », voire publicitaires – les deux invités étant présents pour vendre un produit culturel), d’une durée respective de neuf et douze minutes, représentent les deux tiers de l’ensemble – pour le dire autrement, sans ces deux sujets la culture n’aurait représenté que 2 % des JT. (...)

Le JT de la principale chaîne de service public apparaît ainsi avant tout comme un divertissement audiovisuel, juxtaposant chaque soir une vingtaine de sujets dont un inventaire à la Prévert n’épuiserait pas la diversité. Dans un enchaînement effréné où la durée moyenne d’un sujet est de deux minutes, l’accessoire, l’anecdotique, l’émouvant, le sensationnel ou le pittoresque alterne au fil du journal avec ce qui devrait constituer l’essentiel de l’information et finit par l’étouffer. Sur un plan strictement quantitatif d’abord, mais surtout parce qu’il devient impossible de discriminer dans ce fatras hétéroclite les « informations » qui concernent potentiellement tout un chacun, qui ont à voir avec la chose publique, voire la « marche du monde », et les « évènements » qui n’en sont que parce que les médias les jugent dignes de l’être.

C’est bien la hiérarchie de l’information, et donc les choix de la rédaction en chef qui sont ici en cause. (...)