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Le Monde, accessoire préféré des classes dominantes
Article mis en ligne le 6 avril 2014
dernière modification le 3 avril 2014

En 2010, nous brocardions le lancement d’une nouvelle formule du Monde qui ne visait pas tant à développer le journalisme « de questionnement » et de « contre-enquête » pour « mieux informer », comme claironné alors, qu’à développer « la marque Le Monde ».

En mai 2013, était annoncé en grandes pompes un énième renouvellement du journal, qui, sous couvert de donner une « nouvelle priorité à l’économie », visait explicitement à séduire le seul électorat qui lui importe : celui des cadres dirigeants et supérieurs. (...)

Afin de prendre la mesure des effets de cette réorientation au goût prononcé de reprise en main éditoriale et idéologique (sur fond de crise financière), nous avons décortiqué durant deux semaines l’information que le quotidien de Bergé, Niel et Pigasse croit utile de livrer à ses lecteurs. Le résultat est effarant.

Avant d’en exposer la teneur, il convient de préciser que cette analyse consiste à disséquer le rubriquage, ainsi que les grandes options et orientations éditoriales du Monde et ne dit rien de la qualité générale des articles – dont un certain nombre, cela va sans dire, répond à l’exigence de qualité et de rigueur que l’on est en droit d’attendre d’un « grand » quotidien généraliste. (...)

Le Monde semble donc pensé pour être le compagnon de tous les instants de l’homme moderne, affairé et prospère. Il lui livre chaque jour toutes les informations nécessaires à son épanouissement : les dernières tendances du « business », des conseils de placement pour faire fructifier ses plantureuses « stock-options », juste ce qu’il faut d’actualité politique pour glisser un bon mot au cours d’un repas d’affaire, l’information internationale qu’un homme conscient de ses responsabilités en ce bas monde ne saurait ignorer, les dernières fulgurances du dernier intellectuel médiatique dont quelques bribes éblouiront les convives de tout diner en ville, les adresses des bonnes tables (parisiennes) pour des moments gourmands en famille ou entre amis, les meilleurs 4x4 du moment pour monsieur et les dernières tendances de la saison haute couture pour madame, quelques récits distrayants de crimes sordides ou de catastrophes tragiques pour trouver le sommeil après une dure journée de labeur, sans oublier, last but not least, l’art et la culture présentés et commentés sous toutes leurs formes, qui permettront aux uns de cultiver quelque jardin secret ou une passion assumée, aux autres de trouver des idées de sortie ou de lecture « intelligentes » et divertissantes, ou de briller en société, et à une petite minorité de réaliser de juteux investissements tout en passant pour des êtres sensibles, érudits et raffinés (aussi durs soient-ils en affaires), voire pour des bienfaiteurs de l’humanité…

Bref, Le Monde sait se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire sur les affaires et sur les manières légitimes d’occuper le temps libre qu’elles laissent – et de dépenser l’argent qu’elles rapportent. Pour le reste, le journal s’en tient au strict minimum, dont ne fait visiblement pas partie l’information sur les questions sociales ou l’écologie. (...)

Un cocktail indigeste et borgne d’informations socialement très situées, qui ravit sans doute ses trois propriétaires et leurs épigones, mais qui ne permet de rendre compte ni de certains des aspects les plus critiques du monde tel qu’il va, ni des préoccupations du plus grand nombre.