
De loin, elle a l’apparence d’un Photomaton. Isolé en son sein, on y écoute un poème. Cette invention artistique circule sur les routes de la région lyonnaise, suspendant le temps pour les petits et grands qui y pénètrent.
J’entre dans la cabine, règle mon siège, tire le rideau. Ici, pas besoin garder une expression figée ni d’attacher ses cheveux. La seule consigne : coller son oreille sur la petite grille ronde face à soi. Alors, je n’entends pas le clic d’un appareil photo ni la voix qui ordonne « Ne souriez pas ». Non, dans mon oreille, ce sont les premiers vers d’un poème que l’on me murmure doucement :
[…] À présent je viens et vais vers
un appel de montagnes
un appel d’herbes hautes
une éclaboussure de folie
dans la barque des questions
qu’on pose sans y penser
et dont on se fout de la réponse »
Pendant une minute, peut-être deux, les mots résonnent et s’enchaînent. Je sens le souffle de celle qui les dit sur ma peau. Une simple planche en bois nous sépare, je ne la vois pas. Je tente de capter chaque mot. Puis, la voix s’arrête. Je sors du Poèmaton. Là où s’impriment habituellement des portraits aux couleurs fades, une main me tend une feuille sur laquelle est écrit le poème que je viens d’entendre.
« Nous sommes des diseuses »
Cette cabine qui vous offre une pause poétique a été imaginée par Isabelle Paquet, directrice artistique de la compagnie Chiloé. Depuis 2012, le Poèmaton se déplace de bibliothèque en collège, de place de village en petit festival, principalement dans la région lyonnaise. Monté au milieu d’une salle ou sur un trottoir, il ne passe pas inaperçu. (...)
Après avoir assemblé les quelques planches en bois qui donnent vie au Poèmaton, Isabelle prend place à l’arrière de la boîte. C’est l’envers du décor : à l’abri des regards des visiteurs, elle prêtera sa voix aux nombreux poèmes lus aujourd’hui. « Nous sommes des diseuses, explique-t-elle, en incluant les autres comédiennes qui la remplacent parfois. Comme les diseuses de bonne aventure… »
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« Surprenant » est le mot qui revient le plus à la sortie du Poèmaton. « Les gens n’ont pas l’habitude d’entendre des poèmes », constate Isabelle Paquet. C’est pour démocratiser la poésie, et plus particulièrement la poésie contemporaine, qu’elle a inventé ce dispositif. Comme il fonctionne en déambulation dans des lieux publics, le Poèmaton permet aussi de toucher un public plus large que celui des initiés à la poésie.
« On se sent dans une bulle »
Grâce à sa « belle voix », comme s’accordent à dire ceux qui passent par la cabine, Isabelle Paquet transporte ses auditeurs dans un monde poétique, leur faisant vivre une « véritable expérience » le temps d’un poème. (...)
Long ou court, bonus ou non, le poème est offert à la fin de l’expérience. (...)
les enfants sont de loin les plus grands fans du Poèmaton, en tout cas, cet après-midi. (...)