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IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
Le Sommet mondial sur l’action humanitaire décodé
Article mis en ligne le 24 mai 2016

Le Sommet mondial sur l’action humanitaire s’ouvre ce lundi. Il rassemble (quelques) dirigeants de la planète dans l’espoir de parvenir à des solutions pour mieux faire face aux crises qui sévissent dans le monde. Voici les aspects auxquels nous allons prêter une attention particulière :

Qui sera présent ?

Par définition, un sommet se doit de compter des chefs d’État parmi ses participants. Sur les 193 États membres des Nations Unies, combien seront présents ? Moins le grade du représentant d’un gouvernement est élevé, moins ledit gouvernement prend le sommet au sérieux. Si les pays en voie de développement envoient leur président ou leur Premier ministre alors que les pays les plus riches et les plus puissants ne mandatent que de simples vice-ministres, c’est qu’ils ne sont pas dans le même état d’esprit. (...)

États contre société civile

Les gouvernements, riches comme pauvres, ont leurs raisons de faire profil bas : les plus riches peuvent sentir qu’on essaye de leur soutirer de l’argent alors qu’ils ont fait vœu d’austérité, tandis que les plus pauvres craignent peut-être que les organisations non gouvernementales (ONG) et la société civile usurpent leur autorité. La Russie a déclaré que cette conférence organisée par les Nations Unies laissait l’opinion des États membres « sur le bas-côté ». L’exposé de la position de l’Union africaine rappelle pourtant avec éloquence que les États ont la « responsabilité première » des secours d’urgence. (...)

Développement contre humanitaire

On a tendance à distinguer les budgets, le personnel et les stratégies de l’aide au développement sur le long terme et les interventions d’urgence. Le financement de l’aide au développement est au moins quatre fois supérieur aux dépenses relatives à l’aide dite « humanitaire » ou d’urgence. Alors que des crises éclatent, se répètent et s’éternisent, ne faudrait-il pas les harmoniser davantage ? (...)

Prenez garde, d’un côté, aux discours fourre-tout mettant dans le même panier la pauvreté, le changement climatique et la prévention des catastrophes (le Comité international de la Croix-Rouge appelle cela la « totalisation »). Les grandes bureaucraties du développement y ont souvent recours et ce sera probablement le théâtre de manœuvres et de rivalités des Nations Unies et de la Banque mondiale. De l’autre côté, les défenseurs du caractère spécial et exceptionnel de l’aide humanitaire feront beaucoup référence aux principes du secteur, notamment à l’indépendance et à la neutralité. Qui l’emportera ? Les tenants de l’exceptionnalité ou ceux de la totalisation ? (...)

Soutien de façade à la localisation

Les associations humanitaires locales gagnent en respect et en influence, du moins dans les discours que l’on nous rabâche, tandis que le modèle d’intervention ponctuelle des organisations humanitaires étrangères semble de plus en plus inefficace et inéquitable. Les défenseurs des ONG locales parleront de nouveau modèle, de pouvoir et de flux de financement. Quant aux « timides internationalistes », ils ne veulent pas être surpris à défendre le cliché des blancs qui sautent dans un avion pour aller aider les pauvres. Ils parleront sans doute d’intelligence technique, de « capacité » et de proximité (entendre ici le fait que leurs équipes sont en interaction directe avec la population locale sur le terrain). Un terrain d’entente a dans une certaine mesure été trouvé entre les « internationalistes » et les « localistes » avec l’élégante expression : « aussi local que possible, aussi international que nécessaire ». Mais les tensions persistent, (...)

Formulations vagues

Le diable n’est pas dans les détails, mais dans les clauses accessoires. Si un quart des financements était véritablement alloué aux organisations humanitaires locales et nationales d’ici 2020 comme le recommande le rapport du groupe de haut niveau sur le financement humanitaire, le changement serait énorme : ces organisations verraient leurs fonds multipliés par 20 en seulement trois ou quatre ans. Mais le document offre une échappatoire : les apports de fonds doivent se faire « aussi directement que possible », précision qui laisse la porte ouverte à la sous-traitance. Les engagements qui permettent de telles dérobades sont-ils vraiment des engagements ? (...)

Opportunismes et intérêts particuliers

Nous serons à l’affût de ceux qui demandent aux autres de changer, mais donnent peu de détails sur les changements qu’ils prévoient de faire eux-mêmes. (...)

De l’utilité du conflit

Les disputes, les prises de bec et les remarques abruptes seront la preuve que le sommet a réellement un sens. Quand de vrais problèmes sont en jeu, que le statu quo est remis en cause, il faut s’attendre à des résistances. Si seules des platitudes confortables émanent des abords du Bosphore, les critiques en feront leurs choux gras, à juste titre. (...)

Le sommet a peut-être même déjà exercé sa plus grande influence : sa phase de consultation ouverte a déclenché beaucoup de réflexions en interne et, même si cela a été difficile, des changements se trament déjà. Quels que soient les coups de théâtre et les absurdités auxquels nous assisterons à Istanbul, ce sont les vrais changements visant à améliorer l’aide et à en faire profiter plus de personnes qui devront attirer notre attention dans les mois et les années à venir.