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Le Traité sur la charte de l’énergie bientôt désarmé par la cour de justice européenne ?
Article mis en ligne le 7 septembre 2021

Ce jeudi 2 septembre 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un avis important qui pourrait faciliter la mise en œuvre de politiques climatiques ambitieuses en Europe : elle estime en effet que le Traité sur la charte de l’énergie et son très controversé mécanisme d’arbitrage investisseur-État (ISDS) ne peuvent pas être utilisés par des investisseurs européens pour décourager, ralentir ou renchérir la transition énergétique menée par les pays de l’UE. Le temps que cet avis de la CJUE soit pleinement appliqué, l’UE et les États-membres auraient néanmoins tout intérêt à se retirer de ce Traité nocif.

Voilà une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui pourrait faire date (1). Amenée à se prononcer sur la légalité d’un litige peu connu entre la Moldavie et l’investisseur « Komstroy Investment »(2), la CJUE a considéré que le dispositif d’arbitrage investisseur-État du Traité sur la charte de l’énergie (TCE) n’était « pas applicable » au sein de l’UE, c’est-à-dire qu’un investisseur de l’UE ne peut attaquer un État-membre de l’UE devant cette justice parallèle (3). Cette décision vient compléter l’arrêt dit « Achmea » de 2018 de cette même CJUE qui statuait que le mécanisme ISDS des traités bilatéraux d’investissement n’était pas compatible avec le droit de l’UE (4).

Le TCE est en effet utilisé depuis de nombreuses années par les investisseurs et multinationales du secteur des énergies fossiles comme un moyen de décourager, ralentir ou renchérir les politiques climatiques (5). Les Pays-Bas décident de sortir progressivement du charbon ? Les multinationales RWE et Uniper réclament des milliards d’euros de compensation (6). L’Italie interdit les plateformes pétrolières près des côtes ? Une entreprise britannique réclame jusqu’à 350 millions de dollars d’indemnisation (7). La France envisage de rogner sur les droits acquis des industriels des énergies fossiles ? Ceux-ci menacent d’utiliser le TCE et obtiennent l’affaiblissement de la loi Hulot sur les hydrocarbures (8). Les exemples sont nombreux.

Que la Cour de justice de l’Union européenne estime que les industriels ne peuvent pas utiliser le mécanisme d’arbitrage investisseur-État prévu par le TCE pour s’en prendre aux politiques publiques menées par les États-membres de l’UE est donc une bonne nouvelle en matière de lutte contre le changement climatique et de transition énergétique.Christophe Darmangeat est maître de conférence en économie à l’Université de Paris (...)

Les arbitrages en cours qui mettent en cause des politiques de lutte contre le réchauffement climatique doivent donc être abandonnés et les tribunaux arbitraux doivent rejeter les demandes des requérants.

Cette décision de la CJUE pourrait néanmoins ne pas être appliquée immédiatement. D’abord parce qu’elle devra être confirmée par une décision juridiquement contraignante, vraisemblablement en 2022, qui obligera l’UE et les États membres à prendre les dispositions nécessaires pour que les cas d’arbitrages intra-UE ne se produisent plus. D’autre part parce la Commission européenne va sans doute essayer de trouver une solution intermédiaire à ce qui reste un problème juridique interne : peu de chance qu’elle s’évertue à débrancher l’intégralité du mécanisme ISDS prévu dans le TCE.

Le temps que cette décision de la CJUE soit pleinement appliquée, il serait donc plus que judicieux que les États européens se retirent de ce Traité nocif. (...)