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Le WWF accusé de protéger les chasseurs de trophées en Afrique
L’auteur de cette tribune dénonce la collusion entre le WWF et des chasseurs de trophées. Et s’insurge contre la politique de l’ONG internationale de protection de la nature, qui prive les peuples autochtones de leurs territoires et de leur chasse de subsistance.
Article mis en ligne le 15 septembre 2022

L’auteur de cette tribune dénonce la collusion entre le WWF et des chasseurs de trophées. Et s’insurge contre la politique de l’ONG internationale de protection de la nature, qui prive les peuples autochtones de leurs territoires et de leur chasse de subsistance.

L’auteur de cette tribune dénonce la collusion entre le WWF et des chasseurs de trophées. Et s’insurge contre la politique de l’ONG internationale de protection de la nature, qui prive les peuples autochtones de leurs territoires et de leur chasse de subsistance. (...)

Stephen Corry est le directeur de Survival International, le mouvement mondial pour les droits des peuples autochtones (...)

Le Fonds mondial pour la nature (WWF) se présente volontiers comme le bienfaiteur des animaux. Cependant, de façon bien plus discrète, il considère la chasse comme essentielle à la protection de la nature. Dans son combat contre le « braconnage », le WWF finance des gardiens de parcs qui frappent et parfois tuent des gens. Comment peut-il concilier ces deux aspects de son travail ?

Une récente querelle entre son bureau sud-africain et l’un de ses administrateurs, Peter Flack, éclaire le lien qui unit la conservation à la chasse au gros gibier. Ce lien peut choquer les personnes qui soutiennent l’organisation à travers son programme d’« adoption » d’animaux ; il est difficile d’imaginer que ces donateurs du WWF accepteraient de voir abattus les animaux qu’ils veulent protéger, surtout par des personnes membres de l’organisation même qu’ils soutiennent.

Pourtant, ce lien ne surprendra pas ceux qui ont étudié l’histoire de l’écologie et des chasseurs de gros gibier. (...)

« Les blancs peuvent chasser, les Africains qui chassent pour leur subsistance, non »

L’ancien administrateur du WWF en Afrique du Sud, Peter Flack, est justement l’un de ces chasseurs. Il est membre de la puissante Association sud-africaine des chasseurs et de la conservation du gibier (SAHGC, en anglais). La chasse, dit-il, imprègne toute sa vie. Pas de quoi inquiéter le WWF lorsque celui-ci en fait l’un de ses trustees [administrateur] il y a plus de vingt ans. Flack possède une arme pour « chaque espèce sauvage et chaque type de terrain présent sur le continent africain ». Il y a aussi chez lui huit vastes pièces remplies de ses trophées.

En novembre 2016, Flack a été prié de démissionner du WWF, mais pas en raison de ses antécédents de chasseur. Si le WWF lui a indiqué la porte de sortie, c’est parce que Survival International — qui mène notamment la campagne mondiale contre la maltraitance des peuples autochtones au nom de la protection de la nature — avait rendu public le fait que Flack avait chassé l’éléphant de forêt au Cameroun. Le WWF ne l’a pas reconnu en ces termes, mais cette révélation risquait d’exposer au grand jour la vraie nature de la relation entre conservation et chasse. Flack, pour sa part, n’a jamais fait mystère de sa prise : il a rapporté l’animal empaillé, ivoire compris, en Afrique du Sud pour l’exposer. Le WWF classe les éléphants de forêt parmi les espèces « vulnérables » et les considère « en danger » et « en voie d’extinction ».

Ce qui préoccupe Survival est la manière dont les peuples autochtones sont traités dans les zones soi-disant protégées — d’autant plus qu’ils étaient les premiers occupants de ces territoires. Si Flack s’est trouvé mêlé à la campagne que mène Survival pour faire cesser le financement de violations des droits de l’homme par le WWF, c’est parce qu’il avait tué un éléphant sur des terres volées aux « Pygmées » baka. En versant 45.000 dollars à la compagnie Mayo Oldiri, enregistrée au Panama, Flack a pu, selon ses dires, participer à la « dernière grande aventure africaine ». Pendant ce temps-là, les chasseurs-cueilleurs baka sont non seulement frappés d’une interdiction quasi totale de chasser dans les zones protégées pour nourrir leurs familles, mais sont également fréquemment harcelés, frappés et torturés par des patrouilles soutenues par les opérateurs de chasse sportive et le WWF. (...)

« Les blancs peuvent chasser, les Africains qui chassent pour leur subsistance, non »

L’ancien administrateur du WWF en Afrique du Sud, Peter Flack, est justement l’un de ces chasseurs. Il est membre de la puissante Association sud-africaine des chasseurs et de la conservation du gibier (SAHGC, en anglais). La chasse, dit-il, imprègne toute sa vie. Pas de quoi inquiéter le WWF lorsque celui-ci en fait l’un de ses trustees [administrateur] il y a plus de vingt ans. Flack possède une arme pour « chaque espèce sauvage et chaque type de terrain présent sur le continent africain ». Il y a aussi chez lui huit vastes pièces remplies de ses trophées.

En novembre 2016, Flack a été prié de démissionner du WWF, mais pas en raison de ses antécédents de chasseur. Si le WWF lui a indiqué la porte de sortie, c’est parce que Survival International — qui mène notamment la campagne mondiale contre la maltraitance des peuples autochtones au nom de la protection de la nature — avait rendu public le fait que Flack avait chassé l’éléphant de forêt au Cameroun. Le WWF ne l’a pas reconnu en ces termes, mais cette révélation risquait d’exposer au grand jour la vraie nature de la relation entre conservation et chasse. Flack, pour sa part, n’a jamais fait mystère de sa prise : il a rapporté l’animal empaillé, ivoire compris, en Afrique du Sud pour l’exposer. Le WWF classe les éléphants de forêt parmi les espèces « vulnérables » et les considère « en danger » et « en voie d’extinction ».

Ce qui préoccupe Survival est la manière dont les peuples autochtones sont traités dans les zones soi-disant protégées — d’autant plus qu’ils étaient les premiers occupants de ces territoires. Si Flack s’est trouvé mêlé à la campagne que mène Survival pour faire cesser le financement de violations des droits de l’homme par le WWF, c’est parce qu’il avait tué un éléphant sur des terres volées aux « Pygmées » baka. En versant 45.000 dollars à la compagnie Mayo Oldiri, enregistrée au Panama, Flack a pu, selon ses dires, participer à la « dernière grande aventure africaine ». Pendant ce temps-là, les chasseurs-cueilleurs baka sont non seulement frappés d’une interdiction quasi totale de chasser dans les zones protégées pour nourrir leurs familles, mais sont également fréquemment harcelés, frappés et torturés par des patrouilles soutenues par les opérateurs de chasse sportive et le WWF. (...)

Le WWF et le gouvernement camerounais ont découpé le territoire baka au cours des vingt dernières années, comme en écho à la façon dont les puissances européennes avaient tracé les frontières de leurs empires africains un siècle plus tôt. Le WWF a accepté le découpage territorial marquant les limites des parcs nationaux et des zones de chasse pour touristes. (...)

En réalité, ce ciblage des chasseurs autochtones détourne l’attention des vrais braconniers, qui collaborent en général avec des fonctionnaires eux-mêmes entretenus par des subventions pour la protection de la nature — en réalité de l’argent donné par des gens qui se font tout simplement arnaquer.
Une plainte de Survival contre le WWF a été acceptée (...)

La vraie question est finalement de savoir si les peuples autochtones ont le droit de survivre ou si d’autres, dont ceux qui sont à la tête de l’industrie de la conservation, ont toujours le « droit » de les détruire. Et qu’on ne s’y trompe pas : les priver de leurs terres et de leur autosuffisance équivaut à les détruire à coup sûr. Nombre de gens profitent de la protection de la nature, y compris les chasseurs de trophées. Quiconque a foi en la justice autant que dans l’environnement devrait se demander s’il n’est pas temps de le dire haut et fort.

Lire aussi :

 (2013) Ours blanc : WWF hostile à l’interdiction totale du commerce international

 (2020) L’Union européenne réduit son soutien au WWF, accusé de bafouer les droits des Pygmées au Congo

L’Union européenne (UE) a décidé de suspendre une partie de ses financements au Fonds mondial pour la nature (WWF), en raison de manquements au respect des droits humains dans le projet de création de l’aire protégée de Messok Dja, au Congo-Brazzaville. La sanction, entrée en vigueur le 17 avril, n’a fait l’objet d’aucun communiqué de presse. Elle constitue pourtant un sévère avertissement pour la plus grande organisation mondiale de protection de la nature et donne pour la première fois gain de cause aux communautés autochtones du bassin du Congo menacées d’éviction par un projet de conservation. (...)

 (2021) Les liens contre-nature du WWF avec l’industrie de la chasse aux trophées

Le WWF est sur tous les fronts pour la défense de l’environnement. Mais depuis quelques mois, l’image du gentil panda présent sur son logo commence à se brouiller. Le Fonds mondial pour la nature soutiendrait des activités contraires à ses valeurs, comme la chasse aux trophées. "Une trahison de sa mission originelle" que dénonce un ancien membre de la direction de l’ONG dans cet extrait de "Complément d’enquête".

 (2021) Le WWF est accusé de tromperie, de dissimulation et de malhonnêteté lors de l’audience d’une commission du Congrès américain

(...) - Le président de la commission s’est montré “frustré, exaspéré, incrédule devant l’incapacité du WWF à assumer ses responsabilités” en matière de violations des droits humains.
 Un expert indépendant souligne “l’impact continu du colonialisme sur la conservation”.
 Il accuse le WWF de “tromperie choquante” et prévient que “le WWF ne changera pas son comportement à moins d’y être forcé”. (...)

« Ces allégations ont également mis en évidence les effets persistants du colonialisme dans la conservation : l’ancienne façon de mener la conservation – à savoir que des Occidentaux arrivent dans un pays, créent un parc national avec des frontières strictes et débarrassent la zone de ses habitants –, est toujours source de conflits aujourd’hui. » (...)

 (2022) En Tanzanie, des milliers de Massaï expulsés par le tourisme de luxe

Des communautés expulsées au nom de la “conservation” de la nature ? Violentées, blessées, tuées ? Ce qu’il se passe actuellement en Tanzanie n’est pas sans rappeler le scandale au Congo, il y a quelques années déjà, et que nous avions expliqué ici. Ce schéma a même un nom : le « colonialisme vert ». Un terme qui a été popularisé par l’ouvrage de Guillaume Blanc, intitulé L’invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l’Éden africain.

Depuis début juin, des milliers de Massaï ont dû fuir leurs maisons pour se réfugier dans la brousse. (...)

Le commissaire régional du gouvernement tanzanien a rencontré les présidents des villages pour les informer de la décision du gouvernement. Décision qui semble occulter le fait que la Cour de justice de l’Afrique de l’Est (EACJ) ait statué en faveur de la communauté masaï en 2018 …Des milliers de Masaï ont alors organisé des manifestations et sont catégoriques : ils ne partiront pas tant que la décision ne sera pas annulée.

Les deux jours suivants, les 9 et 10 juin, les habitants se sont rassemblés en plusieurs endroits, dont Ololosokwan et Kirtalo, pour protester contre l’invasion de la police. La police et les forces paramilitaires ont répondu par la répression : des dizaines d’hommes et femmes ont été la cible de coups de feu, ou encore blessés à coups de machette. Le décès d’une personne a été confirmé. Pourtant, le gouvernement prétend qu’il n’y a pas de blessés, parce qu’il n’y a pas de Massaï dans les hôpitaux. En réalité, ces derniers se sont enfuis au Kenya pour chercher une assistance médicale. (...)

Un membre des Massaï déclarait il y a quelques jours à l’ONG Survival International : « J’aime cet endroit parce que c’est ma maison […] Ils veulent nos terres parce que nous avons des sources d’eau, et nous les avons parce que nous les protégeons. Nous vivons avec la faune sauvage depuis des générations. (...)

La violence de ces derniers jours est le dernier épisode en date d’un effort de longue haleine des autorités tanzaniennes pour expulser environ 70 000 membres de la communauté Massaï de leurs terres, à Loliondo, au profit des safaris touristiques et de la chasse aux trophées. L’entreprise Otterlo Business Company (OBC), basée aux Émirats arabes unis (EAU) – qui organise des excursions de chasse pour la famille royale de son pays et ses invités – devrait obtenir le contrôle de la chasse commerciale dans la région. (...)

L’exemple le plus connu de « colonialisme vert » est sans doute le projet mené par WWF à Messok Dja, dans le bassin du Congo, visant à transformer la région en un parc national.

La situation actuelle en Tanzanie en ce moment ressemble bien trop à ce qu’il s’est passé au Congo, et sur quoi nous avions déjà alerté. Pourtant, le cas du Congo a été largement médiatisé et remis en question : suite à une plainte officielle déposée par Survival International en 2018, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) avait lancé une enquête, dont les conclusions avaient révélé un haut niveau d’abus et de violations de droits contre les Baka. (...)

les Massaï, entre autres demandes, ont confié à Survival qu’ils avaient besoin d’un plaidoyer international. Une forte réponse du monde entier. Des efforts sont encore nécessaires pour attirer l’attention des médias et des bailleurs de fonds occidentaux en Tanzanie qui restent silencieux sur cette question. Les personnes peuvent donc faire savoir à leur gouvernement et à l’ambassade de leur pays qu’ils soutiennent les Massaï en les marquant sur des publications Twitter, Instagram, Facebook ou même en envoyant un mail.