
Depuis les années trente, la gare de Poitiers est l’une des cinq ou six en province où la SNCF peut faire descendre les mineurs dépourvus de titre de transport et les confier à la police. Laquelle fait appel aux services sociaux compétents en matière de mineurs, à savoir ceux du département.
Parfois, le scénario est légèrement différent : le mineur, ou prétendu tel, a échappé aux contrôleurs mais est descendu de lui-même à Poitiers. Pour tout papier, il dispose de l’adresse de la direction générale des affaires sociales de la Vienne, rue de Beaulieu. Généralement, il raconte que quelqu’un, dont il refuse de dire le nom, l’a mis dans le train à Montparnasse, avec ordre de descendre à Poitiers.
« Le discours est souvent stéréotypé, constate Bruno Belin, vice-président du conseil général en charge de l’action sociale. Ça semble indiquer qu’on est en face de quelque chose d’organisé. » Résultat : la quasi-totalité des mineurs isolés pris en charge en urgence dans la Vienne sont des étrangers sans papiers, venus d’ailleurs. (...)
Qu’ils se présentent d’eux-mêmes ou qu’ils soient remis par la police, les mineurs sont immédiatement pris en charge par les services sociaux du département. Depuis quelques mois, on leur demande, surtout pour la forme, de présenter un document d’état-civil prouvant leur minorité et qui pourrait permettre, éventuellement, de retrouver leurs familles. Le département dispose de douze places dans des structures d’accueil spécialisées, ce qui est devenu très insuffisant. Les autres sont logés soit dans des hôtels réquisitionnés, soit, pour quelques-uns, dans des familles d’accueil. Tous sont suivis par des travailleurs sociaux.
En 2011, le département a dépensé deux millions d’euros pour la prise en charge de ces mineurs. La Vienne fait ainsi partie des cinq ou six départements les plus « accueillants » de France. « Certains départements ne jouent pas le jeu, constate Bruno Belin. Ils ont mis en place une politique de non-accueil, contraire à la loi. Nous, on assume, même si la position de l’Assemblée des départements de France, que nous partageons, est que cela devrait relever de la politique de l’État. »
« Moi, je ne laisserai jamais tomber un enfant en difficulté, martèle le vice-président du conseil général. Si on laisse des enfants seuls dans le hall de la gare, qu’est-ce qu’ils vont devenir ? » La réponse est dans la question.