
Le 2 février 2021, le détenu Jimony Rousseau, décède à l’hôpital. Une lettre anonyme révèle à sa famille qu’il a été passé à tabac par des gardiens de prison. Depuis ses proches se battent pour faire éclater la vérité.
Pour Charlotte, c’est l’incompréhension totale. Son mari, Jimony, était en détention provisoire depuis trois semaines à la prison de Meaux-Chauconin. Il avait 28 ans et était en bonne santé. Charlotte et sa belle-mère se rendent directement à l’hôpital de Jossigny. Mais arrivées sur place, les vigiles leur bloquent l’entrée. Les deux femmes sont sommées d’attendre le lendemain pour le voir, sans plus d’explications. Elles réalisent également qu’on vient seulement de les prévenir, alors que cela fait plus de 24h que Jimony est à l’hôpital. Le directeur de la prison leur aurait assuré ne pas avoir trouvé leur numéro.
Le lendemain, Charlotte est enfin autorisée à voir son mari. Dans sa chambre, quatre policiers montent la garde. « Ils m’ont fouillé et passé au détecteur. » Jimony, allongé, est recouvert d’un drap jusque sur le haut de la poitrine. Les policiers lui interdisent de le toucher. « Je les ai suppliés. Ils m’ont dit : “C’est mort”. Et qu’ils feraient sauter mon droit de visite. Pourquoi ils ne voulaient pas qu’on le touche ? » s’interroge Charlotte, la colère dans la voix. La jeune femme remarque rapidement des marques sur ses poignets et « des traces de coups sur la tête », avec notamment une importante bosse à l’arrière du crâne.
Après huit jours de coma, Jimony décède. Pour eux c’est certain, Jimony a reçu des coups qui ont provoqué sa mort. Pourtant, les premières versions données par les surveillants indiquent que le détenu se serait blessé tout seul. (...)
Alors que Jimony est encore à l’hôpital, sa famille est contactée par Amal Bentounsi. La militante a fondé le collectif des familles de victimes tuées par la police après le décès de son frère Amine. Elle leur conseille de prendre un avocat et de lancer un appel à témoignage. Coura, la petite sœur de Jimony, ouvre l’appareil photo de son téléphone et se filme, avant de poster la vidéo sur leur page Instagram.
Quelques jours plus tard, Charlotte et sa belle-mère reçoivent dans leur boîte-aux-lettres, un texte d’une page tapée à l’ordinateur. Cette lettre remet en cause la version officielle. L’auteur se présente comme « faisant partie du personnel travaillant au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin », et explique ses motivations :
« Ce que je fais là, je le fais par devoir moral, et déontologique. (…) Depuis le drame survenu le 27/01/21, dans lequel, votre fils Jimony Rousseau risque de laisser sa vie. Tous les jours j’y pense au point d’en être perturbé dans mon sommeil. Croyez-moi, je ne suis pas le seul dans cet état car des collègues à moi, épris de justice, partagent le même sentiment. »
Puis loin, la personne écrit :
« Ils [les agents] sont responsables de l’arrêt cardiaque de votre fils. »
Cette dernière raconte ce dont elle aurait été témoin. Jimony aurait d’abord fait une demande pour changer de cellule. Demande qui lui aurait été refusée. Ce jour-là, alors qu’il est en promenade, il refuse de réintégrer sa cellule. Les Élac (Équipes locales d’appui et de contrôle) interviennent pour l’extraire de la cour et le placer au quartier disciplinaire. Sur le trajet, il est placé en salle d’attente. Ce serait là qu’auraient eu lieu les premières violences. L’auteur de la lettre écrit : « Agacé par la façon dont l’équipe le traitait (menotté dans le dos, injures et traitements dégradants) votre fils Jimony s’en est pris à un agent en le mordant à la cuisse. » Il aurait reçu en retour « plusieurs coups de pieds dans la tête », détaille la lettre. Il aurait ensuite été transféré au quartier disciplinaire, saignant « abondamment du nez » et aurait de nouveau subi des violences, alors qu’il s’opposait à une fouille intégrale. « Ils l’ont étranglé, appui important sur sa poitrine », peut-on lire. Puis il aurait perdu connaissance. L’infirmerie serait alors intervenue, avant que Jimony soit transféré à l’hôpital, « en arrêt cardiaque ». (...)
Deux autres lettres ont été envoyées le même jour à l’OIP et au Parquet.
L’information judiciaire ouverte pour « recherche des causes de la mort » est requalifiée en « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique et violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner. » Selon l’avocate de la famille, Sonia Kemel, à ce stade de l’enquête, il y a suffisamment d’éléments pour que le dossier aboutisse (...)
La famille attend désormais la mise en examen des auteurs présumés des coups. (...)