
Tribune. Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, affirme qu’« il faudra se poser la question des RTT et des congés payés ». La période de confinement va se traduire, nous dit-il, par un arrêt de l’économie de 30 à 40 % en moyenne. Ce qu’il oublie, c’est que les estimations de l’Insee et de l’OFCE n’annoncent un tel chiffre qu’en annualisant l’impact mesuré sur un mois.
Quel serait le remède à la paralysie de l’économie ? « Retrousser ses manches et travailler plus longtemps » selon le président du Medef. Ainsi, ce sont les travailleurs qui font marcher l’économie ! Ainsi, ce sont eux qui permettent la fameuse « création de richesse » ! Quand ? Pendant leur temps de travail. Il aura fallu une pandémie pour s’apercevoir que ce sont les soignants, les enseignants, les livreurs, les caissières, les éboueurs qui maintiennent la société debout. Pendant ce temps-là, où sont les actionnaires et leurs porte-parole, ceux qui ne paient pas d’impôts ou très peu ?
Allongement de la durée de travail
La déclaration du président du Medef a pour elle le mérite de la clarté. Il s’agit pour les élites économiques qui nous ont mis dans la nasse de profiter de la crise sanitaire pour renfourcher l’un de leurs principaux chevaux de bataille : augmenter la durée du travail. Cela ne leur suffit pas que la loi d’urgence sanitaire et les ordonnances l’accompagnant aient prévu de rallonger la durée hebdomadaire du travail jusqu’à 44 heures, voire 60 heures si l’employeur en ressent le besoin. Il s’agit d’aller encore plus loin en remettant en cause le principe des congés payés, ne serait-ce que pour l’année 2020. Et si ça ne suffisait pas, en 2021… aussi ?
Il y a quelques mois à peine, la société française débattait de la réforme des retraites. La pierre d’achoppement était l’âge pivot et l’âge d’équilibre, soit comment faire travailler les salariés jusqu’à 64, 65 ans ? Le Medef demandait même 67 ans. La réforme est suspendue, mais ne doutons pas que les préceptes qui y étaient contenus referont surface. Monsieur Roux de Bézieux prend date. (...)
De plus, alors que le chômage risque de faire un bond spectaculaire, travailler plus longtemps n’est pas la solution. Il faut au contraire reprendre le mouvement historique de baisse du temps de travail qui a permis de créer massivement des emplois malgré la persistance de gains de productivité plus ou moins importants suivant les périodes.
Alors, pas de retour à l’ancien monde ! Reconnaissons la valeur du travail, de celles et ceux qui ont permis que la société continue à fonctionner. (...)
Si le soutien à la relance économique était orienté pour modifier en profondeur les structures productives et employer tous ceux qui sont exclus à cause d’un chômage élevé, alors on aurait davantage de personnes au travail mais sur une durée plus faible pour chacune. Utopie ? La crise actuelle prouve qu’on peut en quelques jours transformer un appareil productif habitué à produire des pneus ou bien des sacs en cuir de luxe pour le mettre à produire des masques de protection. Les travailleurs confinés, les travailleurs mis en chômage partiel et les travailleurs obligés par nécessité d’occuper leur poste comprennent pour la plupart qu’ils ont entre leurs mains la clé d’un autre modèle. Elle n’est pas dans les mains du Medef.