
Voici des décennies que la puissance électorale de l’extrême droite sert de police d’assurance aux libéraux de gauche et de droite : n’importe quel bourricot modéré franchit sans peine la ligne d’arrivée une fois opposé à une formation politique irrecevable, infréquentable, irrespirable.
Ce qui a réussi contre l’extrême droite, les libéraux comptent le refaire contre la gauche. Ils cherchent donc à bâtir contre sa progression éventuelle un mur des valeurs qui la rendra suspecte à son tour. Et obliger ainsi ceux qui ne supportent plus les politiques du pouvoir à s’en accommoder malgré tout, tant seraient ignobles ses opposants les plus puissants.
Le hasard faisant bien les choses, la calomnie d’une gauche devenue antisémite bourgeonne en même temps en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis. (...)
« Si [Jeremy] Corbyn s’installait à Downing Street, on pourrait dire que, pour la première fois depuis Hitler, un antisémite gouverne un pays européen », prétend l’académicien Alain Finkielkraut (1). Situation tout aussi menaçante aux États-Unis, puisque, selon le président Donald Trump, avec l’élection au Congrès de plusieurs parlementaires de gauche, « le Parti démocrate est devenu un parti anti-israélien, un parti antijuif ». « Les démocrates détestent le peuple juif », ajoute-t-il. De son côté, Bernard-Henri Lévy vient d’assimiler le député et journaliste français François Ruffin à la fois à Lucien Rebatet, auteur du pamphlet antisémite Les Décombres, à Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives sous le régime de Vichy, et à Robert Brasillach, collaborateur fusillé à la Libération. (...)
S’il faut construire un cordon sanitaire, qu’il nous protège plutôt de ceux qui imputent à leurs adversaires une infamie dont ils les savent innocents.