
Morte le 28 juillet à l’âge de 93 ans, l’avocate se raconte dans « Une farouche liberté », écrit en collaboration avec la journaliste du « Monde » Annick Cojean. A quelques jours de la parution de l’ouvrage chez Grasset, le 19 août, nous en publions des extraits.
J’attends que [les femmes] fassent la révolution. Je n’arrive pas à comprendre, en fait, qu’elle n’ait pas déjà eu lieu. Des colères se sont exprimées, des révoltes ont éclaté çà et là, suivies d’avancées pour les droits des femmes. Mais nous sommes encore si loin du compte. Il nous faut une révolution des mœurs, des esprits, des mentalités. Un changement radical dans les rapports humains, fondés depuis des millénaires sur le patriarcat : domination des hommes, soumission des femmes. Car ce système n’est plus acceptable. Il est même devenu grotesque. Pendant longtemps, la soi-disant incompétence des femmes a servi à justifier leur exclusion des lieux de pouvoir et de responsabilité. Forcément, une femme instruite étant réputée dangereuse, on s’arrangeait pour les priver d’instruction ou d’accès aux meilleures écoles.
Mais c’est terminé. Au moins dans les sociétés occidentales. Les femmes y sont désormais éduquées et brillent dans les études supérieures, davantage même que les hommes. Personne n’oserait plus prétendre qu’elles ne sont pas aussi compétentes qu’eux. Elles ont, au moins en théorie, accès à toutes les plus hautes fonctions. Elles peuvent construire des viaducs, diriger une centrale nucléaire, piloter un avion de chasse, présider une cour d’assises, administrer une banque ou un pays. Et pourtant… (...)
En 2020. C’est consternant. Notre numéro de Sécurité sociale commence par le chiffre 2. Celui des hommes par le chiffre 1. Ce n’est évidemment pas un hasard. Nous restons reléguées au second rang, inessentielles derrière les essentiels.
« Cela reste une malédiction de naître fille dans la plupart des pays du monde, à tout le moins un manque de chance, et ce constat m’est douloureux » (...)