
En 2020, un tiers des attaques de piraterie mondiale et plus de 95 % des enlèvements de marins enregistrés se sont produits dans cette région vaste comme la Méditerranée.
La « zone maritime la plus dangereuse au monde ». C’est ainsi qu’est qualifié le golfe de Guinée par le centre français du Maritime Information Cooperation & Awareness (MICA Center), chargé depuis 2016 d’analyser la situation sécuritaire maritime mondiale. (...)
En 2020, un tiers des attaques de ce type et plus de 95 % des 135 enlèvements de marins enregistrés se sont produits dans cette région vaste comme la Méditerranée, selon le Bureau maritime international, une entité rattachée à la Chambre de commerce internationale. (...)
La même année, le MICA center y a recensé 375 actes illicites en mer : soit des actes de piraterie perpétrés dans les eaux internationales soit des actes de brigandage commis dans les eaux sous souveraineté étatique (mer territoriale, zone économique exclusive). (...)
Prises de navire, enlèvements d’équipage contre rançon, vols de cargaison : les actes de piraterie sont souvent commis par des groupes nigérians, de mieux en mieux organisés. Cette « professionnalisation » de la piraterie va de pair avec un éloignement des côtes, selon l’ONG norvégienne Rhipto, qui note que les attaques se multiplient dans les eaux internationales.
En conséquence, les assureurs ont élargi, en avril 2021, la zone considérée comme exposée aux risques de guerre et de terrorisme, contraignant ainsi les armateurs à verser des primes plus élevées pour transiter par le golfe de Guinée. (...)
Dans le golfe de Guinée, La coopération régionale est rendue complexe par les tensions entre Etats riverains. En mars, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Italie et le Nigeria ont organisé des exercices militaires conjoints. En octobre, un dispositif de « présence maritime coordonnée », réunissant la France et l’Italie, a été installé pour la première fois dans le golfe de Guinée. Le même mois, une mission de surveillance de six mois a été lancée par le Danemark ; Maersk, premier transporteur maritime mondial, étant une société danoise.
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L’alerte est cette fois venue des Nations unies. « Si l’Asie du Sud-Est et le golfe de Guinée ont connu presque le même nombre d’incidents en 2020, 623 des 631 marins (99 %) touchés par des enlèvements dans le monde en 2020 travaillent dans le golfe de Guinée », révèle un rapport intitulé « Pirates du golfe de Guinée : une analyse des coûts pour les Etats côtiers ». Le document, publié mardi 7 décembre, estime que la piraterie a coûté 1,925 milliard de dollars par an aux pays africains concernés. (...)
Depuis plusieurs années, la mobilisation internationale s’est accrue, mais la tache est titanesque : chaque jour, près de 1 200 embarcations croisent dans ces eaux dont l’étendue équivaut à sept fois celle de la France. (...)
En 2013, les dix-neuf pays qui composent le golfe de Guinée ont signé l’accord de Yaoundé pour mener des actions communes et concertées contre la piraterie. Début novembre à Pointe-Noire (Congo), un symposium, organisé avec le ministère de la défense français a réuni tous les responsables sécuritaires des pays pour marquer le début de l’opérationnalisation de cette architecture de Yaoundé. Il s’est achevé avec l’organisation de l’exercice Grand African Nemo, une démonstration dynamique des marines au large de Pointe-Noire. (...)
Le Nigeria a également pris des mesures fortes. En juillet, la justice du pays a condamné à douze ans d’emprisonnement dix hommes ayant détourné en 2020 au large des côtes ivoiriennes le FV Hailufeng, un navire chinois. Il s’agissait du deuxième procès mené en vertu d’une nouvelle loi contre la piraterie.
« Ce verdict envoie un avertissement fort : le Nigeria a une tolérance zéro envers les criminels maritimes et ses institutions », a confié le porte-parole de la marine nationale nigériane. En juin, le pays s’est également doté de seize navires d’interception rapides et de trois hélicoptères pour un coût total de 195 millions de dollars. (...)
Ces efforts conjoints semblent porter leurs fruits : dans un rapport publié le 14 octobre, le Bureau maritime international a fait savoir que les activités criminelles au large des côtes nigérianes étaient en baisse de 77 % par rapport aux neuf premiers mois de 2021. (...)
En une dizaine d’années, la piraterie maritime s’est déplacée du golfe d’Aden, où elle a quasiment disparu grâce à l’opération Atalante, une mission militaire et diplomatique initiée par la France et mise en œuvre par l’Union européenne fin 2008, au golfe de Guinée. Mais, sur les plans géographique et diplomatique, les situations sont totalement différentes. (...)
Le profil des criminels est également différent. Face aux anciens pêcheurs reconvertis en pirates que l’on peut rencontrer au large de la Somalie, on trouve des bandes parfaitement structurées au large du Nigeria, du Cameroun ou du Bénin. Elles sont dirigées par des gangs avec à leur tête des chefs puissants ayant bâti leurs empires grâce aux trafics d’otages mais aussi de drogue.