
La France a été mise en demeure par l’Union européenne d’ouvrir les concessions hydro-électriques à la concurrence, et d’exclure des appels d’offres EDF, qui en assure majoritairement la gestion. Cette privatisation pose la question de l’avenir des barrages qui fournissent 12% de l’électricité produite en France.
En cas de concessionnaires privés, les investissements en matière d’entretien et de sûreté de ces sites sensibles seront-ils assurés ? Le prix de cette énergie renouvelable va-t-il augmenter ? Comment seront associés les élus locaux et les habitants concernés aux décisions ?
C’est l’histoire d’un trésor énergétique public que ministres et parlementaires – de droite et de gauche – cèdent peu à peu au secteur privé. (...)
Financés par les deniers publics, et entretenus – pour le moment avec succès – par quelque 6000 techniciens, les ouvrages hydrauliques donnent accès à une ressource énergétique particulièrement utile aux heures de pointe, quand la demande menace de dépasser l’offre. Lors des épisodes caniculaires, en augmentation constante en raison du réchauffement climatique, un « lâcher d’eau » en amont permet en plus de refroidir la température des fleuves.
L’opérateur historique, et principal, des concessions hydrauliques attribuées par l’État pour une durée de 75 ans, c’est EDF. Son changement de statut, en 2004, déclenche le début de la fin du service public... D’établissement public, EDF devient société anonyme. Résultat : l’année suivante, la Commission européenne signale à la France que l’obligation de mise en concurrence doit s’appliquer, puisque le service public n’est plus confié à un établissement public. En 2006, les députés français rassurent Bruxelles et votent une loi qui supprime la clause de préférence pour EDF sur la gestion des ouvrages hydrauliques.
Le PS achève de brader les barrages (...)
« En 2011, il aurait été possible, lors la discussion de la directive européenne sur les concessions, d’exclure les barrages. Le gouvernement allemand, incité par des lobbies très actifs, y est parvenu. Mais le gouvernement français n’a rien fait. En arrivant au ministère [de l’Environnement], j’ai hérité de la patate chaude. » Les collègues socialistes de Delphine Batho ne semblent pas tenir, comme elle, au maintien des concessions hydrauliques dans le giron public. Aucune de ses propositions allant dans ce sens ne sont retenues.
Au cœur de l’été 2015, les députés adoptent la loi de transition énergétique, qui offre les concessions hydrauliques (barrages et autres ouvrages) à la privatisation. (...)
Sortir de la logique de l’intérêt général pourrait entraîner des ruptures d’approvisionnement lors de pics de consommation ou à terme, des ventes d’énergie à des tarifs exponentiels dans certaines régions, craint le CCE. Combien un opérateur privé tariferait-il un « lâcher » d’eau pour refroidir une centrale nucléaire ? La gestion actuelle des ouvrages hydrauliques comprend aussi les ponctions effectuées pour irriguer les cultures et la régulation des lâchers d’eau pour les activités de loisir. Certains barrages sont enfin des réserves d’eau potable. Pour le moment, tous ces services sont gratuits. Mais « quel opérateur voudrait se mettre ainsi à disposition de la collectivité, sans contrepartie ? », interrogent les personnels d’EDF.
Au-delà de la menace qui pèse sur ces divers services et sur l’approvisionnement électrique du territoire, il existe aussi des craintes concernant la sécurité des ouvrages hydrauliques. (...)