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Le journaliste Gattegno et le procureur Courroye perdent définitivement leurs procès contre Mediapart
Edwy Plenel Journaliste, président de Mediapart
Article mis en ligne le 3 mars 2021

Dans deux affaires distinctes, le journaliste Hervé Gattegno et le procureur Philippe Courroye s’étaient pourvus en cassation après avoir perdu les procès qu’ils avaient intentés à Mediapart. Mardi 2 mars 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation a déclaré non admis leurs pourvois, rendant définitives leurs défaites judiciaires.

Les hasards du calendrier sont parfois bavards. Les deux procès intentés contre Mediapart qui ont connu leur heureux épilogue en cassation le même jour, mardi 2 mars, ont en commun Nicolas Sarkozy qui, la veille, a été condamné à trois ans de prison pour corruption (lire ici). L’un et l’autre ont en effet pour toile de fond des affaires révélées par notre journal dont l’ancien président fut ou est encore un protagoniste essentiel : l’affaire Bettencourt dans le cas du procureur Philippe Courroye ; l’affaire des financements libyens dans le cas du journaliste Hervé Gattegno.

Philippe Courroye, qui est aujourd’hui avocat général à la cour d’appel de Paris après avoir été procureur de la République de Nanterre, nous reprochait d’avoir écrit ceci en 2015, sous la plume de Michel Deléan (lire son article) : « Les enregistrements clandestins effectués en 2009-2010 par le majordome des Bettencourt dans leur hôtel particulier de Neuilly ont permis de mettre la justice en branle, et leur révélation (par Mediapart et Le Point) a évité que l’affaire ne soit étouffée par le procureur de l’époque, Philippe Courroye, un proche de Nicolas Sarkozy. »

En première instance comme en appel, Mediapart fut relaxé (...)

Notre relaxe fut prononcée au nom d’une « base factuelle sérieuse et suffisante » permettant d’évoquer, dans le traitement judiciaire de l’affaire Bettencourt à Nanterre, un « dysfonctionnement dans le cours normal de la justice » ainsi que « l’inertie du parquet » alors placé sous la responsabilité de Philippe Courroye.

L’arrêt rendu par la cour d’appel de Douai le 19 décembre 2019 a confirmé notre relaxe en soulignant la nécessité d’une « liberté d’expression (...) sur le comportement d’un magistrat dans l’exercice de l’action publique dans une affaire reprise dans l’ensemble des médias depuis cinq années ». Dans sa décision du 2 mars 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation présidée par Christophe Soulard prononce la non-admission du pourvoi formé par Philippe Courroye contre cet arrêt et fixe à 2500 euros la somme qu’il doit nous verser au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale.

La procédure intentée par Hervé Gattegno contre Mediapart est à la fois plus essentielle et plus symbolique : elle concerne une affaire toujours à l’instruction, le scandale libyen, dans laquelle Nicolas Sarkozy est quadruplement mis en examen, notamment pour « association de malfaiteurs » ; elle émane, fait inhabituel, d’un confrère qui, après avoir été dans le passé un collègue, est aujourd’hui devenu le journaliste emblématique du groupe Lagardère, directeur des rédactions de Paris Match et du Journal du Dimanche. Il nous faisait reproche d’avoir raconté, dans une enquête de Fabrice Arfi et Karl Laske publiée le 14 novembre 2016, que son entêtement à épouser la défense de Nicolas Sarkozy dans le dossier libyen ne relevait pas du seul pluralisme journalistique. (...)

« Intérêt public majeur » avait écrit la cour d’appel dans son arrêt donnant raison à Mediapart contre Hervé Gattegno : il n’y a pas meilleure formulation de la raison d’être d’une presse indépendante économiquement et rigoureuse professionnellement. Visant les liens de soumission d’une partie de la justice, via le parquet, et les liens de dépendance de nombre de médias, via leurs propriétaires, ces deux décisions qui rendent justice au travail de Mediapart confirment, s’il en était besoin, la nécessité vitale d’une presse libre et d’une justice indépendante face aux corruptions de la République.