
Il y a trente ans, le lycée expérimental de Saint Nazaire voyait le jour. Son projet ? Accueillir les jeunes en âge d’aller au lycée désirant chercher et inventer, avec une équipe enseignante volontaire, un autre chemin pour apprendre. Un projet éducatif plongeant ses racines dans les pensées de Rabelais, Erasme, Coménius, Rousseau, Freinet, Decroly, Korczak, Rogers, etc. Tous ceux, nombreux, qui placèrent la liberté, le respect mutuel et l’humain comme les incontournables d’un rapport aux autres et aux savoirs.
Ce projet exprimait un besoin de jeunes en devenir et d’enseignants en recherche qui dressaient le constat lucide de l’école au tout début des années 1980. Constat terrible d’exclusion, d’ennui, d’uniformisation hiérarchisée.
Ce projet est-il désuet ?
L’école a-t-elle changé depuis le début des années 1980 ?
Oui ! La hiérarchie, le contrôle, l’évaluation, l’autorité y ont été renforcés pour garder l’illusion d’une construction solide alors que tout s’écroule à l’intérieur de l’édifice.
Le projet du Lycée Expérimental a donc de plus en plus de raisons d’être.
(...) Pendant trente ans, alors que partout ailleurs la compétitivité, l’efficacité, les données statistiques, le fichage l’emportaient sur toute velléité d’éducation émancipatrice, au lycée, nous avons continué à vivre au quotidien des valeurs telles que la coopération, la confiance, le partage, la responsabilité.
Nous avons continué à lutter contre toute vision simplificatrice du monde et donc de la vie de chacun. (...)
Nous avons continué à ne pas avoir peur.
Nous avons continué parce que, depuis trente ans, des parents trouvent ici une réponse à leurs recherches, parce que chaque année, de nouveaux jeunes veulent prendre leur vie en main, participer et intégrer ce projet, parce que de nombreux enseignants de France et d’ailleurs viennent échanger avec nous sur d’autres façons de faire et repartent plein de projets qui se heurtent à la frilosité politique actuelle.
Nous allons continuer, parce que nous avons des réponses aux questionnements récurrents qui se posent aujourd’hui sur l’école. Nous avons des réponses à la violence, à la déshumanisation, à la barbarie, à l’échec, à l’anonymat, à la solitude, à l’infantilisation, à la dé-responsabilisation, au manque d’appétence pour les savoirs, à la mercantilisation des savoirs.
Nous allons fêter notre trentième anniversaire les 12 et 13 Mai 2012.
(...)
Ensemble, nous pouvons résister aux sirènes alarmistes qui nous entourent. Nous pouvons défendre une école qui rejette les valeurs que nous impose un modèle social et économique en pleine déroute. Nous pouvons décider que la richesse de chacun ne peut se hiérarchiser à l’aune d’une société marchande. Nous pouvons décider de regarder l’autre comme une singularité en devenir.
Nous pouvons être libres, égaux, fraternels.