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Reporterre
Le ministère de l’Agriculture ne soutient pas la recherche d’alternatives aux néonicotinoïdes
Article mis en ligne le 26 mai 2021

Le gouvernement a réintroduit les néonicotinoïdes, insecticides dits « tueurs d’abeilles ». Il refuse de soutenir une recherche sur la betterave à sucre en agriculture biologique.

Il y a quelques mois, au cœur de l’été 2020, le gouvernement décidait d’un des plus importants revirements du quinquennat en réautorisant provisoirement l’usage des néonicotinoïdes, des insecticides hautement toxiques, pour la production de betterave à sucre. En mars 2021, le Conseil d’État a entériné le retour de ces insecticides en rejetant le recours des associations Agir pour l’environnement, Nature et Progrès et du syndicat agricole la Confédération paysanne [1]. Les organisations espéraient obtenir la suspension de l’arrêté du 5 février 2021, lui-même tiré de la loi du 14 décembre 2020, qui réintroduit provisoirement (jusqu’en 2023 au maximum) l’utilisation de ces produits, pourtant interdits depuis 2018.

En contrepartie, le gouvernement a assuré que tout serait fait pour en sortir définitivement d’ici 2023, notamment grâce à la mise en place d’un « ambitieux » programme de recherche permettant de s’affranchir définitivement de ces insecticides dits « tueurs d’abeilles ». Celui-ci, nommé plan national de recherche et d’innovation (PNRI) a été doté de 7 millions d’euros pour sélectionner des projets en biocontrôle, en agroforesterie, en utilisation de plantes de service, ou encore en tests sérologiques et moléculaires.

Or le comité de pilotage du PNRI, sous tutelle du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, a refusé d’allouer des financements au seul projet dédié à l’étude de la production de betterave à sucre en agriculture biologique. Une obstruction dénoncée par la Fondation Nicolas Hulot, Générations futures, Agir pour l’environnement et la Confédération paysanne, qui siègent au conseil de surveillance des néonicotinoïdes (...)

En septembre 2020, Reporterre était allé à la rencontre de différents producteurs de betteraves. Parmi les exploitants en agriculture biologique — ils sont moins de 0,5 % d’après l’Institut technique de la betterave (ITB), la plupart n’étaient pas touchés par le virus de la jaunisse, car ils vivaient dans des régions moins exposées à cette maladie. En septembre, les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique mettaient d’ailleurs « au défi quiconque [voulait] montrer que sur 0,5 % de parcelles de betteraves bio, il y a moins d’infestation ».

Le projet Bio présente également « une veille technique et scientifique sur la jaunisse en parcelles bio à l’échelle européenne sur les trois années, dans des pays où la production de betterave sucrière en bio est nettement plus développée qu’en France : entre 5 et 11 % des surfaces en bio dans trois pays européens, contre 0,1 % en France », précise à Reporterre Sabine Bonnot, administratrice à l’Itab. Le tout pour un budget de 330 000 euros sur trois ans. « Une somme minime au regard de l’enveloppe globale du PNRI jaunisse betterave [7 millions d’euros], et surtout au regard des enjeux pour la recherche d’alternatives agronomiques à laquelle ce projet se proposait de contribuer », poursuit Sabine Bonnot.

« Il faut aller vite »

La proposition alternative qui a été faite par le comité de pilotage aux associations est que « l’Itab participe à un autre projet sur la partie “traque à l’innovation en conventionnel” [et en bio]. Cette proposition ne permet en aucun cas de garder le sens du projet Bio déposé et représente une amputation de 90 % du projet », déplore Sabine Bonnot (...)

Pour la Fondation Nicolas Hulot, Générations futures, Agir pour l’environnement et la Confédération paysanne, le projet a été mis de côté « sans explications ni raisons sérieuses ». (...)

Les associations dénoncent aussi l’opacité du processus d’attribution des financements (...)

À l’issue du deuxième conseil de surveillance des néonicotinoïdes, qui avait lieu ce mardi 25 mai, il resterait 470 000 euros non dépensés, selon nos informations. Les financements auraient été attribués majoritairement à l’ITB et à l’INRAE, qui sont aussi les décisionnaires du comité de pilotage du PNRI. Les autres bénéficiaires de ces fonds publics seraient essentiellement des entreprises privées. Les budgets précis par projet et par partenaire n’ont pas encore été communiqués.

Par ailleurs, selon les informations de Reporterre, le cabinet du ministère de la Transition écologique surveille de près le projet Bio ; il se dit « très attaché au travail » proposé et serait « prêt à étudier d’autres modalités pour le soutenir le cas échéant ». « Il faut aller vite, dit Sabine Bonnot, à force d’atermoiements, on risque de perdre une année, précieuse, de retard. »