
Parmi les ouvrages publiés en cette rentrée, avec en point de mire la COP 21 sur le climat en novembre et décembre prochains, il y a celui de Daniel Cohen, Le monde est clos et le désir infini (Albin Michel, 2015). Daniel Cohen est un économiste de grand renom, au sommet du monde académique, qui nous offre ici un essai où les considérations historiques, sociologiques et psychologiques se mêlent, pour répondre à la question qui taraude maintenant les sociétés, et pas seulement depuis l’éclatement de la crise dite financière en 2007 : sortiront-elles du marasme, au pire de la récession, au mieux de la stagnation économique ? Et pour répondre à une autre question plus difficile encore : comment se défaire de l’addiction à la croissance économique et repenser le progrès humain ?
Un économiste renommé qui sort de la tour d’ivoire de l’économie, en rassemblant une grande quantité de références hors de sa discipline, n’est pas si fréquent pour qu’on ne s’en félicite pas. Bataille, Freud, Girard, Diamond, Lévi-Strauss sont parmi les auteurs cités les plus importants. Même le nom de Marx figure sur une ou deux pages, mais sans que la logique d’accumulation capitaliste soit évoquée, ce qui est pour le moins surprenant lorsqu’il s’agit d’analyser la croissance sur le long terme.
On saluera tout de même la synthèse menée avec brio de l’histoire économique, allant de la révolution néolithique à la révolution industrielle, en passant par l’invention de la monnaie, pour déboucher sur la révolution numérique. Mais le raisonnement économique de l’économiste mérite d’être interrogé avant de voir le parti qui peut être tiré de la profusion de références et de citations issues des autres sciences sociales. D’autant qu’on peut se demander si l’influence de l’évolution des techniques aurait été aussi grande si elle n’avait été accompagnée des transformations des rapports de production, absents de ce livre. (...)