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frustration magazine
Le monopole bourgeois de l’indignation face à la violence
#violences #medias
Article mis en ligne le 21 mai 2023
dernière modification le 20 mai 2023

Lundi 15 mai à Amiens, une casserolade de protestation à l’énième allocution méprisante et hors sol du président de la République se tenait devant la chocolaterie Trogneux, propriété de la famille de Brigitte Macron. Le petit-neveu de l’épouse du président, dirigeant de la boutique, rentrait chez lui, au-dessus du magasin, quand il a été pris à partie par des manifestants puis violenté, déclenchant un tollé médiatico-politique face à une telle violence. Plus d’une centaine d’articles consacrés à l’évènement ont été publiés sur internet en 48h et les réactions indignées de l’ensemble de la classe politique se sont aussitôt faites entendre.

24 h plus tard, dans le département du Nord, un délégué syndical CGT de l’entreprise Vertbaudet, agitée par un mouvement de grève visant à obtenir des augmentations de salaire, a été frappé, gazé puis séquestré, au cri de “sale gréviste”, dans un véhicule par des personnes se présentant à son domicile comme des policiers en civil, qui l’ont ensuite relâché, délesté de son portefeuille, dans la ville voisine, le tout en partie sous les yeux de son fils de 16 ans.

France Info ne consacre pas d’article à cet évènement, son site renvoyant à France 3 région qui, contrairement à l’article de France info dédié à l’affaire Trogneux, emploie le conditionnel : “la CGT dénonce l’agression du délégué Vertbaudet, qui serait survenue mardi 16 mai dans la soirée.” Les journalistes pourront répondre que cette agression n’a pas le même degré de réalité que celle du neveu Trogneux, qui s’est déroulée en public et qui a fait l’objet d’une plainte. Le délégué CGT de Verbaudet n’a pas déposé plainte, de peur des représailles. Mais comment s’en étonner quand on sait par ailleurs qu’à la 9e semaine de grève sur le site de Verbaudet, les grévistes sont régulièrement intimidés et violentés par la police ? (...)

Une gréviste de 36 ans a été violentée par un policier lors de l’évacuation du piquet de grève, peu avant l’agression du délégué syndicat CGT (...)

On pourrait croire qu’une séquestration anti-syndicale pourrait attirer au moins autant l’attention médiatique que l’agression d’Amiens. Mais l’événement n’a eu le droit, à ce jour, qu’à une vingtaine d’articles, une bonne part réalisée par la presse indépendante (Rapports de force, Révolution Permanente, l’Insoumission…).

Ces deux événements sont d’une gravité comparable : deux personnes ont été violentées, elles sont choquées, leur dignité a été atteinte. Mais d’un côté nous avons un notable très entouré, bien défendu et soutenu par l’ensemble de la classe politique et de l’autre un salarié syndicaliste, qui semble terrifié par ce qu’il a vécu, et dont personne ou presque ne parle. L’analyse du traitement médiatique des deux événements est assez explicite : l’affaire Trogneux est très peu décrite au conditionnel, les faits sont là, pour la presse, tandis que l’agression du délégué syndical de Vertbaudet est une information prise avec des pincettes, c’est peu de le dire. (...)

ce même mardi soir, l’émission C Ce Soir posait à ses invités cette question surprenante “faut-il mettre un signe égal entre les extrêmes ?”. Ses invités les plus bourgeois ont répondu de façon positive, voire même ont chargé l’extrême-gauche (vous savez, celles et ceux qui, comme nous, se battent pour plus d’égalité, qui dénoncent les violences et les discriminations, qui veulent plus de démocratie). Elle serait en fait semblable à l’extrême-droite (ceux qui se battent pour la suprématie blanche, se déploient à la frontière pour accabler des réfugiés et se réjouissent de leur mort dans la méditerranée, veulent que les femmes retournent dans les cuisines etc.) dans leurs méthodes et leurs pratiques. Le chroniqueur Usul, un peu seul sur ce plateau, est venu rappeler que l’extrême-droite organisait actuellement des milices, agressait des militants, menait des ratonnades… Mais qu’importe finalement pour les bourgeois de plateau TV : ils savent que ce sont eux qui décident qui est violent et qui ne l’est pas. (...)

Face à de telles manœuvres, que pouvons-nous faire ?

D’abord, mettre totalement à distance la notion de “violence” quand elle émane d’un membre de la classe dominante. Rappelons-nous toujours que ces gens sont totalement biaisés en matière d’appréciation de la violence, qu’ils appartiennent à un groupe social qui a été le plus violent de tous au cours des siècles, et qu’ils ont un rapport opportuniste à la qualification de la violence : en ce moment, ils ont besoin de criminaliser les manifestants et l’extrême-gauche et d’invisibiliser la violence patronale et d’extrême-droite. En la matière, la réaction de Jean-Luc Mélenchon est assez fine : “Des commentateurs indifférents aux tentatives de meurtres et agressions racistes contre des insoumis me somment de me prononcer sur l’agression à Amiens contre le chocolatier Trogneux. Je lui exprime ma compassion et je joins ma protestation à la sienne. Je demande à Macron et Madame d’en faire autant pour nos amis agressés ou menacés sans réserver leur sollicitude au seul Zemmour quand il fut molesté” : bien tenté, mais ça n’arrivera pas.