
Le Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres est déterminé à faire de la prévention des conflits une priorité pendant son mandat. Il risque cependant d’avoir de la difficulté à convaincre les États membres de financer des initiatives de promotion de la paix, même si celles-ci pourraient permettre d’épargner des milliards de dollars à long terme.
Au moment de son entrée en fonction, au début de l’année, M. Guterres a invité le personnel des Nations Unies et les États membres à faire de 2017 « une année pour la paix ».
« Nous consacrons beaucoup trop de temps et de ressources à réagir aux crises plutôt qu’à les prévenir », a-t-il dit au Conseil de sécurité quelques jours à peine après avoir pris son poste. « Nous avons besoin d’une toute nouvelle approche. »
À une époque où les crises provoquées par les conflits se multiplient et où la capacité — ou la volonté — de la communauté internationale ne suffit plus à y faire face, rares sont ceux qui ne sont pas d’accord avec son interprétation. Le fossé entre les besoins et les fonds disponibles continue de se creuser même si les gouvernements augmentent régulièrement leurs budgets d’aide. Et ce déficit risque de s’accroître de plus belle avec les coupes significatives de l’aide étrangère américaine que l’administration du président Donald Trump prévoit d’effectuer.
On peut se demander comment M. Guterres a l’intention de faire de sa vision une réalité dans le contexte actuel, notamment avec la crise du financement, l’adoption de la doctrine « America First » de Trump et la généralisation de l’incertitude politique et économique en Europe.
Jusqu’à présent, l’ancien premier ministre portugais a fait beaucoup de discours et donné peu de détails. Il a cependant commandé un examen interne de l’ensemble de l’architecture de paix et de sécurité des Nations Unies. Les résultats devraient être présentés en juin, de même que des recommandations quant à la manière dont les divers départements et agences pourraient être restructurés. (...)
Repartir de zéro ?
Prévenir les conflits avant qu’ils se développent pourrait évidemment permettre d’épargner des milliards de dollars et de sauver d’innombrables vies. La prévention des conflits est également un élément crucial du mandat des Nations Unies. L’article premier de la Charte des Nations Unies décrit en effet le maintien de la paix et de la sécurité comme l’un des buts premiers de l’organisation.
Les trois examens des opérations de paix des Nations Unies réalisés en 2015 ont pourtant conclu que le travail de l’organisation en matière de prévention des conflits et de maintien de la paix n’était pas satisfaisant. (...)
Dans un mémorandum adressé au personnel du Secrétariat qui a circulé pendant la première semaine de son mandat, M. Guterres a déclaré son intention de mettre en œuvre des réformes « de la culture, des procédures et des structures » afin d’améliorer la performance des Nations Unies en matière de paix et de sécurité. Plusieurs actions immédiates destinées à réduire les « freins structurels » et les « obstacles bureaucratiques » ont été mises en œuvre à la suite de la publication du mémo. Il a notamment été décidé que le Département des affaires politiques et le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) partageraient des bureaux « afin de faciliter une prise de décision plus efficace et plus intégrée ». (...)
Un certain nombre d’organigrammes potentiels circulent actuellement. Un rapport récent du Centre pour la coopération internationale en présente plusieurs, accompagnés d’une liste de pour et de contre. Le document souligne toutefois que « sans un leadership solide et une gestion permettant d’assurer une collaboration entre les départements, de même que le soutien des États membres pour mettre en œuvre de nouvelles approches, aucune structure organisationnelle n’obtiendra les résultats souhaités ».
Une diplomatie proactive
« Les restructurations internes sont importantes, bien sûr, mais il est tout aussi important d’introduire une culture de prévention plus forte pour identifier où et comment les Nations Unies peuvent changer les choses », a dit Richard Atwood, directeur du bureau de New York de l’International Crisis Group (ICG). (...)
Certains indices laissent croire que M. Guterres pourrait fournir le genre de leadership nécessaire pour mettre en œuvre ces changements culturels. Il a mis sur pied un comité exécutif qui intègre les trois piliers des Nations Unies. Le comité, qu’il préside, se réunit chaque semaine pour aborder des questions qui concernent plusieurs départements et rendre des décisions à leur sujet.
Le Secrétaire général semble également déterminé à mettre à profit ses « bons offices » et ses faveurs politiques pour se lancer dans la diplomatie préventive — un domaine dans lequel M. Ban n’était généralement pas considéré comme particulièrement doué.
M. Guterres a déjà travaillé un peu en coulisses sur le Soudan du Sud et la Somalie. Il a aussi rencontré un certain nombre de chefs d’État des pays du Golfe. Il y a cependant des limites à ce qu’un Secrétaire général peut faire, même s’il est favorable à des réformes, face à une géopolitique instable et à une incertitude extrême en matière de financement. (...)
D’où vient l’argent ?
Le rapport du HIPPO a identifié l’imprévisibilité du financement comme l’un des principaux obstacles au travail de médiation et de supervision des conflits des Nations Unies, dont la majeure partie est réalisée par le DAP et financée par les contributions volontaires des États membres. (...)
M. Guterres devrait plaider en faveur de l’inscription au budget ordinaire de ressources destinées à financer le travail de prévention lors d’une réunion de haut niveau sur le maintien et la pérennisation de la paix qui doit avoir lieu plus tard cette année à l’occasion d’une session de l’Assemblée générale.
C’est une époque difficile pour demander des fonds supplémentaires, d’autant plus que l’administration Trump menace de réduire considérablement les fonds alloués aux missions de maintien de la paix et à l’aide humanitaire. M. Guterres pourrait cependant invoquer que les sommes attribuées à la prévention permettent de réaliser des économies importantes à long terme. (...)