
L’éducation sexuelle des enfants est aujourd’hui confiée à la pornographie, s’alarme le gynécologue Israël Nisand. Son ouvrage intitulé « Et si on parlait de sexe à nos ados ? », rédigé avec la gynécologue Brigitte Letombe et la psychanalyste Sophie Marinopoulos, s’ouvre sur une charge contre la société du porno.
Ces trois spécialistes s’inquiètent de la banalisation de la pornographie
(...) Devant cette « nouvelle soumission des humains aux normes de la marchandisation et aux rapports de sexe inégalitaires », les auteurs appellent à renforcer l’éducation à la sexualité, à favoriser le dialogue entre enfants et adultes, mais aussi à envisager des mesures radicales : taxer « beaucoup plus lourdement la vente de pornographie » et imposer sur internet « la production d’un numéro de carte bancaire avant l’affichage de la première image pornographique ». la secrétaire d’Etat à la jeunesse, Jeannette Bougrab, va dans le sens de ces recommandations. (...)
Voilà qui risque de choquer d’autres spécialistes. Le sociologue Michel Bozon s’en prend à l’inverse à la « panique morale » des adultes face à la sexualité des adolescents, et juge que le rapport des jeunes au porno n’a rien d’inquiétant. Il s’en prend aux « discours des conservateurs en matière sexuelle, auxquels s’agrègent ceux que l’on peut qualifier de "gauche morale" ». Selon lui, « l’idée que la pornographie serait devenue la forme essentielle de socialisation des jeunes à la sexualité ne résiste pas à l’épreuve des faits. » (...)
La grande inquiétude d’Israël Nisand et de ses consoeurs, c’est le fait que la pornographie « infantilise les femmes et sexualise les enfants ». La sexologue québécoise Jocelyne Robert s’inquiétait aussi récemment dans une tribune sur notre site de ces effets pervers : les ados « nourrissent leur imaginaire érotique (si tant est qu’on puisse parler d’érotisme) et se confortent encore un peu plus dans leur perception de ce que sont la masculinité et la féminité. Cela, au carrefour de l’adolescence, alors que le profil érotique et la personnalité psycho-sexuelle sont une cire chaude, docile, prête à se laisser mouler, à prendre forme. »
Autre question soulevée, qui dépasse alors le cadre strict de la pornographie : « l’hypersexualisation » des enfants, et en particulier des jeunes filles. « Aujourd’hui, on joue aux femmes fatales à 8 ans », s’inquiète Jocelyne Robert.
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En France, après que des spécialistes ont aussi mis en cause la « civilisation de l’excitation », le politique vient de se saisir du sujet ; Chantal Jouanno doit remettre le 5 mars un rapport sur l’hypersexualisation des enfants, et la sénatrice UMP semble hésiter sur discours à tenir. (...)