
Parmi les questions qui traversent les débats publics contemporains, celle du « pouvoir des médias » est particulièrement mal et confusément posée. Derrière cette notion de « pouvoir des médias », jamais précisément définie, deux théories fondamentalement contradictoires du rôle et du poids des médias dans le monde social cohabitent au gré des conjonctures, sans s’affronter nécessairement, et coexistent parfois par bribes dans les mêmes discours.
La notion de « 4e pouvoir », devenue une expression consacrée, sous-entend que les médias exercent effectivement un pouvoir quasi institutionnel de pivot du fonctionnement démocratique. Dans le même temps, les éditocrates, qu’ils soient pris en flagrant délit de parti-pris ou simplement intoxiqués par leur propre idéologie professionnelle, considèrent que les « informations » qu’ils produisent sont de fidèles miroirs, absolument neutres vis-à-vis des réalités qu’ils reflètent en toute objectivité, et qu’elles ne sauraient donc exercer aucun pouvoir.
Tout à l’inverse, une longue tradition théorique tend à considérer « les médias » comme le deus ex machina des sociétés modernes, capables de faire les élections et de défaire les régimes, de modeler « l’opinion » en s’immisçant dans les consciences qu’ils sont censés informer.
Autant d’interprétations qui charrient leur lot d’idées fausses et d’idées reçues, ainsi que de représentations implicites de la profession journalistique qu’il s’agit de déconstruire pour comprendre de quel type de pouvoir peuvent réellement se prévaloir médias et journalistes. (...)
cette analyse des causes et de la portée des dérives de l’information est un préalable indispensable à la transformation nécessaire du monde médiatique. (...)
Quant aux grandes entreprises médiatiques, elles sont devenues des vecteurs d’influence que s’arrachent les oligarques du grand capitalisme. La plupart des journalistes n’exercent pas le même métier que les professionnels du commentaire. Mais ce sont ces derniers qui orchestrent les pouvoirs des médias dominants.
L’usage dévoyé des pouvoirs qui leur échoient confère aux médias et à ceux qui les dirigent une fonction d’intégration idéologique de la classe dominante et de chambre d’écho de ses préoccupations, ainsi qu’un rôle de relais et d’auxiliaires des pouvoirs politiques et des puissances économiques – un rôle de « chien de garde » en somme. C’est ce pouvoir de domination symbolique, jamais acquis et sans cesse recommencé, qui demande à être dénoncé et combattu pied à pied. C’est à cette tâche qu’Acrimed s’emploie depuis plus de 20 ans.