
Depuis quinze ans, le réseau de sondes Argo (à ne pas confondre avec les balises Argos) fournit la plus grande partie des observations profondes et a révélé les interactions entre l’océan mondial et l’atmosphère. Guillaume Maze, de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), nous explique en quoi consistent ces sondes qui ont révolutionné l’océanographie. Rien de moins.
Comme les satellites dédiés à l’observation des océans, le réseau Argo est devenu indispensable à l’étude des océans et de leurs interactions avec l’atmosphère, une clé de la compréhension du climat.
Depuis l’année 2000, grâce aux déploiements successifs de plus de 10.000 sondes Argo, il est « devenu possible de mesurer avec une couverture mondiale et en temps réel la température et la salinité des 2.000 premiers mètres de l’océan ». Parce que le réseau est homogène dans l’espace et le temps tout au long de l’année, « on arrive à suivre la quantité de chaleur des océans à travers des analyses statistiques des profils de température [voir la note 1 ci-dessous] ; c’est un résultat assez important, qui permet de calculer la quantité de chaleur présente dans l’océan ». De plus, Argo permet de « quantifier la manière dont la chaleur de l’océan varie à l’échelle du mois et de la saison en s’affranchissant des variations régionales ou saisonnières », ce qui était très difficile avant sa mise en place. (...)
Le réseau Argo est complémentaire d’autres instruments, embarqués à bord de bateaux ou de satellites. L’utilisation conjointe d’outils spatiaux et des sondes Argo « permet d’avoir des vues complémentaires de la circulation des océans et de sa dynamique ». On utilise aussi les données de surface d’Argo pour calibrer et valider les mesures acquises par les satellites qui sont seulement « capables de mesurer l’information réfléchie par le premier micron de la surface, alors qu’Argo peut mesurer les premiers mètres de la couche d’eau ».
Les mesures d’Argo sont ainsi à l’origine de plus de 2.000 publications scientifiques dont beaucoup révèlent le réchauffement des océans depuis le début du XXe siècle. (...)
au début de la mise en place des sondes Argo, la « communauté n’avait pas encore idée du rôle majeur que joue l’océan austral dans la dynamique globale ». En couvrant la totalité des océans de l’hémisphère sud et sans biais saisonniers, les sondes Argo ont corrigé ce défaut. Les océanographes se sont ainsi rendu compte qu’ils avaient « probablement sous-estimé l’ampleur du changement du contenu de chaleur dans l’océan austral ». Ainsi, de par leur densité et leur qualité, les données Argo permettent de mieux comprendre l’information contenue dans les bases de données historiques.