
Mardi 19 février, M6 diffusait le premier épisode de l’émission « Le sens de l’effort », produite par Studio 89 Productions [1]. Le concept : vingt-deux jeunes « inactifs », au chômage ou en situation de décrochage scolaire, participent à un « stage » organisé par un ancien militaire (avec le renfort d’une conseillère d’orientation) afin de leur inculquer la « motivation » et le goût de l’effort dont ils seraient naturellement dépourvus.
Le résultat : une manière outrageusement simpliste et surtout orientée d’aborder les difficultés économiques et sociales de la jeunesse, et une émission qui transforme en divertissement la mise au pas de jeunes soumis à une discipline arbitraire et vexatoire. Ou quand la téléréalité se fait plus idéologique qu’elle ne veut bien le dire…
« Quand on veut, on peut »
« Le sens de l’effort », qui fait mine de se pencher sur un problème social le fait à la façon des dames patronnesses du XIXe siècle faisant la charité : avec condescendance, paternalisme, mépris, et avec une peur latente. Dès l’introduction, on nous décrit des cohortes de jeunes inactifs qui « ne font rien de leur vie » ou sont « totalement oisifs » (...)
« Quand on veut, on peut », l’expression prononcée plusieurs fois par le personnage central, est en fait le mantra de l’émission. Très rapidement, on comprend en effet que M6 ne va pas traiter des racines économiques et sociales du problème (la voix off ira même jusqu’à prétendre que « rien ne prédisposait ces jeunes à l’échec » !). Au contraire, ce sont les défaillances individuelles qui sont mises en avant. (...)
Humiliations, violence et menaces
Parcours du combattant, cohésion de groupe, rigueur, dépassement de soi... bref, le grand classique de l’entraînement militaire (sur les écrans). Mais l’émission ne se contente pas de montrer des « jeunes » courir, sauter, ramper dans la boue, attendre sous la pluie ou passer le balai dans les chambres. Il faut aussi qu’ils soient littéralement « domptés ». Un travail de soumission et d’humiliation (certains d’entre eux se feront marcher dessus, allongés dans l’eau, contre leur gré) qui est délégué aux « instructeurs ». (...)
Ou comment une chaîne de télévision comme M6 peut faire la promotion de méthodes brutales, arbitraires et humiliantes, à heure de grande écoute… D’autant plus que c’est bien la capacité à accepter ces brimades qui est encouragée (à une « jeune » qui se dérobe alors qu’elle est prise à partie, l’un des « instructeurs » crie, à l’adresse des autres, « regardez comme ça sent la défaite ! »). Et aux « jeunes » qui auraient l’insolence de se rebeller, la voix off rétorque qu’ « ils ont en commun un problème avec l’autorité, et ce depuis longtemps » !
Question : et si c’était M6 qui avait besoin d’être rappelée à l’ordre ? (...)