
À peine une nouvelle journée de mobilisation syndicale et sociale était-elle prévue le 12 février par la CGT et FO à l’occasion d’un comité central d’entreprise de la société Goodyear (dont on rappelle que la direction a décidé le 31 janvier dernier de fermer son usine d’Amiens-Nord qui emploie 1173 salariés) que retentit le tocsin figaresque : attention aux casseurs !
Certes, alors que se multiplient les conflits sociaux, nul ne s’étonnera de lire dans Le Figaro, quotidien d’opinion et engagé, des éditoriaux violemment anti-syndicaux … Là où le bât blesse, c’est que le contenu des articles destinés, en principe, à informer sur les mobilisations en cours, est à peine différent, véhémence mise à part, des articles de commentaire. (...)
On sourira en passant de l’argument, aussi vieux que le mouvement ouvrier lui-même, de l’entrainement des masses par le charisme et l’action habile (voire secrète) de quelques subversifs. Il serait en effet pénible pour le lecteur du Figaro de concevoir que seul un mouvement social collectif fait exister publiquement un représentant syndical et que ce n’est jamais celui-ci qui crée la vague de colère qui le porte… Quant à l’idée de confédérations qui béniraient les syndicalistes « extrémistes », tout en le voulant « plus ou moins » (plutôt plus ? Plutôt moins ? Plus que moins ? Ca dépend des jours ?), elle illustre bien la rigueur de « l’enquête » et la précision des informations apportées…
(...)
Une opération de « criminalisation préventive » qui sous-traite à des responsables policiers et gouvernementaux le soin de dénoncer par anticipation d’hypothétiques « opération coups de poing », des « débordements », des « fauteurs de troubles », des « jusqu’au-boutistes », une « cinquantaine d’énervés », « imprévisibles », « qui veulent en découdre »… Des experts non identifiés ou aux orientations idéologiques pour le moins marquées (et non signalées) qui intentent des procès d’intention politiques aux leaders de la contestation tout en infantilisant des salariés mobilisés décrits comme étant sous le joug de leurs représentants…
Deux articles portant sur des syndicalistes et des salariés en lutte sans jamais en interviewer un seul, sans jamais citer une seule de leurs déclarations et sans jamais rapporter un fait ou une action précise. Deux articles horriblement bavards en somme, qui n’informent sur rien : ils insinuent, ils suggèrent, ils spéculent… Autant de procédés bien rôdés qui ont l’inconvénient de réduire l’information à son commentaire, et l’avantage de permettre, après avoir pris connaissance de l’édito, de s’épargner la lecture du Figaro !