
Samedi 18 mars, la France insoumise organise à Paris une « Marche pour la 6e république ». Une revendication portée par Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, convaincus de l’impasse dans laquelle se trouve la Ve République. Quels contours donner à cette nouvelle Constitution, pour la rendre vraiment démocratique ?
(...) Dès le début des années 1990, l’idée d’une VIe République a émergé autour d’une volonté d’institutions plus démocratiques. Donner plus de pouvoir au Parlement, moins au Président. Il s’agit d’un point de vue classique à gauche : dénoncer la concentration du pouvoir exécutif, pointer le manque de contre-pouvoir dans la Ve République.
Mais la motivation principale au changement, c’est que la Constitution actuelle est un obstacle pour réaliser la transition écologique. Nous devons réinventer de fond en comble nos sociétés contemporaines. Changer nos façons de consommer, de nous déplacer de produire, de travailler. Or, on ne peut pas réaliser cette transformation dans un système où tout part du haut, où tout est concentré dans ce petit centre qu’est l’Élysée. Le problème, c’est le mode de décision, trop vertical, trop hiérarchique. La démocratie de la Ve République n’est pas adaptée aux enjeux du XXIe siècle.
Il nous faut un changement radical, les réformes constitutionnelles ne suffisent plus. Nous avons connu 24 révisions de la Constitution depuis 1968. (...)
Premier chantier pour la prochaine Constitution, le problème de la responsabilité, ou plutôt de l’irresponsabilité du pouvoir exécutif. Dans la Constitution actuelle, une fois élu, le Président n’a de compte à rendre à personne. Le meilleur moyen de restaurer la responsabilité, c’est le régime parlementaire : un pouvoir exécutif entre les mains d’un Premier ministre, qui rend compte de son action devant le Parlement. Ça existe dans la majorité des autres pays de l’Union européenne, pas chez nous !
Nous avons aussi un problème de qualité de la représentation. Nos représentants ne nous ressemblent pas — d’un point de vue social, de sexe, d’âge —, mais, en plus, avec le mode de scrutin actuel, ils ne sont pas représentatifs des votes. En comptant l’abstention, les élections au scrutin majoritaire à deux tours donnent des majorités qui sont très largement minoritaires : les études montrent qu’une majorité parlementaire (PS, LR…) ne représente au mieux que 26 % du corps électoral !
La VIe République devra permettre une meilleure représentation du pluralisme, avec des solutions simples : le scrutin à la proportionnelle, ou le tirage au sort.
Le troisième chantier est celui de la participation citoyenne. Aujourd’hui, les gouvernants de tous les pays sont face à des populations informées, éduquées, qui acceptent de moins en moins d’être dessaisies de la décision. Le politique doit donc être plus poreux, et accepter une plus forte capacité d’intervention des citoyens. (...)
Le quatrième chantier doit permettre de démocratiser la décentralisation. Les maires restent comme des petits seigneurs dans leur commune. Les institutions locales reprennent la même organisation jacobine et hiérarchique que le pouvoir central. Nous pourrions créer un système qui prenne en compte la diversité des territoires et des situations, un système qui parte des enjeux locaux plutôt que des politiques nationales.
(...)
Le dernier chantier, le plus stimulant intellectuellement, concerne les générations futures : comment inscrire le long terme dans les institutions. Nos institutions actuelles ont été construites avec un horizon très court, celui des élections. Or, nombre de décisions politiques ont des effets de très long terme, comme le nucléaire. Nous devons veiller à ce que nos choix, nos actions ne soient pas nocives pour les générations futures. (...)
Le changement de République est porté par le mouvement de la France insoumise et par son candidat, Jean-Luc Mélenchon. Participerez-vous à la marche qu’ils organisent ce samedi 18 mars ?
Je suis partagé. D’un côté, je soutiens toutes celles et ceux qui veulent changer nos institutions. Mais je suis en désaccord assez profond avec l’esprit qui sous-tend le mouvement de la France insoumise : le « dégagisme » et le « soupçonnisme ». Révoquer tous les élus, faire table rase de tout ce qui a été fait. Je trouve cet état d’esprit assez violent. Pour moi, il faut plutôt se poser la question de comment rendre la démocratie désirable, inclusive. Ce discours du « tous pourris » ne me plaît pas, je n’irais donc pas marcher ce samedi. Mais en même temps, je soutiens et je salue la dynamique citoyenne. (...)